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Critique de elea2020


J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle, qui du reste peut presque s'apparenter à un court roman. Balzac y prend le temps de présenter ses personnages, de les poser dans leur élément, cette boutique du drapier Guillaume, au nom énigmatique et fantaisiste. J'avoue m'être demandé si le chat tricotait, ou même s'il avait les mains baladeuses ? Non, le chat joue au jeu de raquette, comme la pelote basque. Il est vrai que la boutique est un personnage à part entière, en ce que la demeure incarne à merveille le mode de vie de la famille Guillaume.

Le drapier Guillaume mène avec fermeté sa maison, composée d'une épouse et de deux filles, Virginie, âgée de 28 ans, et Augustine, âgée de 18 ans, ainsi que de ses trois apprentis, qui sont comme adoptés par leur maître, en des soins tout paternels mais d'une rigueur monacale. Joseph Lebas, premier commis et orphelin, est plus ou moins destiné à épouser Virginie, mais il est amoureux d'Augustine. Virginie est bien éprise de Joseph, mais sans retour, et Augustine... personne ne le sait encore, elle aime en cachette un jeune peintre, qui a fait son portrait de mémoire, et va devenir célèbre avec ces premières toiles exposées au Salon.

Leur destin va se sceller le jour où Guillaume annonce enfin à Joseph qu'il va devenir son gendre, et lui propose de s'associer ; seulement, c'est Augustine qu'il voudrait épouser. Pour se sortir de ce mauvais pas, celle-ci avoue qu'elle aime un jeune homme, Théodore de Sommervieux, à qui elle s'est plus ou moins promise. Il est peintre, certes - métier qui ne peut rencontrer les attentes des deux parents, boutiquiers raisonnables et économes, mais il connaît le succès, et il est de la meilleure société. L'ambiance est tendue, mais Augustine aura gain de cause, et pourra s'installer dans son ménage avec Théodore, et vivre leur amour.

Ils sont jeunes, beaux, ils s'aiment et sont enviés de tous ; Augustine rayonne, la gloire du peintre rejaillit sur elle. Jusqu'à ce que les nuages s'amoncellent, et que la jeune fille prenne conscience qu'aimer ne suffit pas, qu'il faut aussi faire bonne figure dans le monde, montrer de l'esprit, de l'éducation, que sa nature simple et sa jeunesse renfermée ne lui ont pas permis d'acquérir. Les amis de Théodore n'aiment pas la jeune femme, elle leur paraît trop prude, insensible. Théodore se détourne, et Augustine cherchera par tous les moyens à comprendre, à le reconquérir...

Cette nouvelle met du temps à s'installer, mais ce prélude n'est en rien ennuyeux, car il présente une étude de cas étonnante, avec cette famille et son train de vie. de même, il amène la relation à venir entre Théodore qui épie la maison de l'extérieur et Augustine, qui cache bien son jeu. Lorsque les deux jeunes gens se marient, le rythme s'accélère vivement, enlevé jusqu'au dénouement brusque. J'ai été intéressée par les efforts d'Augustine pour s'instruire, et sa lente prise de conscience qu'aimer et se donner toute entière à l'amour ne suffit pas. Je ne peux en revanche pas dire que j'aie eu une empathie surdéveloppée pour Théodore et ses tracas d'artiste, quoique, selon l'auteur, il ait souffert aussi. J'ai été curieuse de l'entrevue entre Augustine et la duchesse de Carigliano, rivale éminemment impressionnante de la jeune femme, qui se révèle pourtant relativement bienveillante, et propose à sa manière de l'aider. C'est un face-à-face intense et dramatique, un décor de séduction maîtrisée, une belle prouesse d'auteur.

Pour tout dire, je me suis vraiment trouvée bien d'avoir lu Physiologie du mariage, car cette nouvelle est en grande partie une illustration des théories De Balzac quant au mariage, notamment en ce qui concerne la durée limitée de la lune de miel dans le couple, et ce qui fait - ou non - les mariages réussis. C'est une nouvelle qui peut tout à fait faire apprécier Balzac, si ce n'est qu'il faut un peu patienter avant que l'action ne s'engage.
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