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Critique de Sachenka


Si Honoré de Balzac se passe de présentations, je ne pouvais en dire de même des Secrets de la princesse de Cadignan. C'est une petite nouvelle, moins de cent pages, presque une parenthèse dans la grande saga qu'est la Comédie humaine. Elle y est rattachée par quelques uns de ses personnages, incluant ses protagonistes, la princesse de Cadignan, connue autrefois sous le titre de duchesse de Maufrigneuse. Sa fortune perdue, son mari disparu, elle se fait oublier un bref instant pour mieux revenir sous le nom de jeune fille de sa mère. Elle se lie avec la marquise d'Espard qui lui fait rencontrer marquis Daniel d'Arthez, un jeune homme idéaliste, qui commence à connaître le succès en tant qu'écrivain. Lire ici tempérament d'artiste. Pour s'attacher le jeune homme, elle lui assène mensonge par-dessus mensonge, ses supposés secrets, de terribles histoires dont elle aurait été victime. Tout ça pour convaincre le jeune homme qu'elle mérite enfin la paix et surtout l'amour. D'Arthez, un peu naïf, ne peut que tomber dans le piège et dans les bras de la dame. Parce que, on le sait, de compassion à amour, il n'y a qu'un pas…

La princesse de Cadignan, voyant le succès de ses premiers secrets, continue son manège, à un tel point qu'elle a complètement réinventé sa vie. À son bénéfice, bien sûr. C'est à se demander qui est l'artiste entre les deux. Elle met de tels accents de vérité à l'histoire qu'elle réécrit que ses mensonges ont l'air plus crédibles que la réalité. Même un connaisseur de la Comédie humaine se questionne par moment : et si elle disait vrai ?

C'est là le génie d'Honoré de Balzac : réussir à présenter l'expression du sentiment amoureux chez deux individus assez diamétralement opposés et dont on doute de la sincérité par moments. C'est presque un huis-clos. Par moment, je me sentais pris de vertige devant l'avalanche de mensonges avalés goulument par D'Arthez. Mais ils s'aiment, on ne peut le nier. Et c'est une histoire incroyable : une femme un peu âgée, qui semble s'amuser aux dépends d'un jeune homme au coeur pur. En tant que lecteur, nous sommes plus habitués à l'inverse, à voir un don Juan profiter de la naïveté d'une candide et innocente demoiselle. Et pourtant, on ne déteste pas la princesse. On ne peut lui en vouloir vraiment de préférer présenter une version améliorée de sa vie. Elle désire hameçonner un jeune homme amoureux, elle n'agit pas par méchanteté. Elle est intrigante et manipulatrice, oui, mais on est bien loin de la cruelle marquise de Mertreuil et des Liaisons dangereuses… En fait, on peut presque prendre en pitié la dame. Veuve à 37 ans au début du XIXe siècle, elle vit peut-être sa dernière aventure, qu'a-t-elle à perdre ?

Honoré de Balzac n'a pas peur de présenter des femmes fortes, qui sortent des sentiers battues, qui diffèrent de ces ingénues qu'on représentait encore trop souvent à l'époque. Déjà, Splendeurs et misères des courtisanes nous montraient qu'elles étaient capables d'être aussi déterminées et qu'il leur était possible d'en arriver à leur fin. À leur manière, bien sûr, car leur rôle officiel dans la société était encore restraint. Les secrets de la princesse de Cadignan s'inscrit dans cette lignée. Vers la fin, les amis de la princesse invitent le jeune D'Arthez à une réception, sans doute pour lui dévoiler, lui cracher la vérité sur sa bien-aimée. Et la princesse le laisse y aller seul ! Est-elle lasse de tous ses mensonges ou souhaite-t-elle tester son amour ? Et D'Arthez, préférera-t-il la plate vérité à l'amour glorifié tel qu'il se le représente ? À vous de le découvrir.
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