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Critique de Arakasi


Nous avions laissé ce petit crétin narcissique de Lucien de Rubempré seul et désespéré à la fin des “Illusions perdues” - il y avait de quoi puisque l'andouille avait ruiné par sa bêtise et son égocentrisme son adorable soeur et son brave beau-frère - et c'est avec un plaisir mitigé que nous le retrouvons au début de “Splendeurs et misères des courtisanes” glissé à nouveau dans son rôle de dandy dépensier. Comme Lucien a-t-il effectué cette surprenante remontée ? On se doute bien qu'il n'y est pas arrivé tout seul, allez ! Car le mignon petit chien de manchon s'est trouvé un lion pour protecteur, un redoutable personnage à la carrure du taureau et au tempérament de bête fauve, le mystérieux abbé Carlos Herrera. Non content de propulser son poulain aux premiers rangs de la bonne société, celui-ci a décidé de lui faire épouser une fille de duc ni trop jolie, ni trop laide, mais abondamment dotée. Hélas, Lucien s'est amouraché d'une belle courtisane, la divine Esther dites “La Torpille” pour les intimes... Il ne veut pas s'en passer ? Tant pis, on fera avec ! Mieux encore, on utilisera les charmes de la belle pour enrichir encore davantage le jeune sot et lui ouvrir ainsi un chemin tout tracé vers la gloire et la fortune. A moins que ce ne soit vers la potence, bien entendu.

Avec ce roman, nous sommes clairement dans un format beaucoup plus feuilletonnant que celui des “Illusions perdues” et du “Père Goriot”, laissant la part belle aux rebondissements multiples et au pur divertissement. A mon sens, c'est à la fois un mal et un bien. Ce que le récit perd en finesse psychologique et en profondeur, il le gagne en vivacité et en dynamisme et ces “Splendeurs et misères des courtisanes” s'avèrent beaucoup plus digestes que les - un poil - interminables “Illusions perdues” qui les précédaient. Heureusement, la méchanceté De Balzac est toujours là, venimeuse et féroce, et c'est avec un vif plaisir qu'on le verra, tout au long de sa narration, se livrer à un matraquage enthousiaste des milieux financiers, politiques et judiciaires. Balzac se moque de tout : l'amour, le sacré, la noblesse, la richesse… Même les quelques scènes pathétiques qui émaillent le récit m'ont semblées lourdes de second degré et, même au coeur de la tragédie la plus noire, le cynisme rigolard ne manque jamais de pointer son nez.

“Splendeurs et misères des courtisanes”, c'est aussi le récit de la première grande passion ouvertement homosexuelle de la littérature française. Rien que pour ça, avouez que ça vaut le détour ! On avait déjà remarqué l'intérêt de Vautrin - réapparaissant ici sous le masque de l'abbé Carlos Herrera - pour les beaux jeunes hommes facilement influençables dans les romans précédents. Ici, cet intérêt se concrétise et se dépouille de toute ambiguïté. Clairement, ce n'est pas pour son charmant intellect que le redoutable forçat a pris sous sa protection le petit dandy superficiel, mais sans conteste pour ses beaux yeux et son joli petit cul. Pas seulement cependant. Si le goût déplorable de Herrera en matière de compagnon peut surprendre, surtout venant d'un homme aussi pragmatique et brillant (Lucien est tout de même une incroyable petite tête à claques), on l'expliquera aisément par une sorte de narcissisme à la Pygmalion. Au fond, Herrera se fout de Lucien, de sa douceur, de sa mollesse, de son égocentrisme naïf. Au delà d'un attrait purement physique, il ne l'apprécie vraiment que comme une extension de lui-même, une façon de prendre sa revanche sur la société, son “Moi beau” comme il le dit lui-même. Autant pour le romantisme.

Pas d'amour, pas de sentimentalité, pas de poésie, mais une vision très noire et pessimiste de l'humanité. Si vous êtes amatrice, comme moi, n'hésitez pas une seconde, sinon replongez vous dans Victor Hugo.
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