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Critique de gerardmuller


Sous l'oeil des barbares/ Maurice Barrès (1862- 1923) Académie française (1906)
« le culte du moi, je m'y acheminai le jour où mes parents me laissèrent …près des cygnes, au milieu des enfants méchants dans la cour d'honneur de la Malgrange. » Ainsi s'exprime Barrès dans « Les Cahiers », ouvrage dans lequel il se confie. Il souffrit dès lors de la solitude mais il acquit le sens de la vie intérieure et une ombrageuse fierté.
Dans ce roman, il évoque le gamin trop sensible et trop raisonneur qui aime mieux être seul que jouer avec ceux qu'il n'a pas choisis. Il décrit les traits essentiels et permanents de sa personnalité, très vulnérable et très volontaire. Individualiste, il célèbre le Culte du Moi en affirmant assurer lui-même la culture de son âme selon des idéaux personnels où la seule valeur indiscutable et immédiatement perceptible est le Moi, pour vivre un individualisme conscient et concerté. Ce Moi, il faut le défendre chaque jour et chaque jour le créer. Il n'est pas question de s'accepter tout entier sans effort, mais pratiquer une culture qui se fait par élaguements et accroissement. Et surtout défendre ce Moi contre tout ce qui risque de le contrarier, contre les Barbares, c'est à dire contre tout ce qui risque de l'affaiblir dans l'épanouissement de sa propre sensibilité. C'est la solitude qui permet à la pensée d'aller plus haut et plus profond.
Ce premier roman de Barrès est le premier tome d'une trilogie, avec à suivre « Un homme libre » et « le jardin de Bérénice ». Il est paru en 1888.
Dans un style très travaillé, poétique mais grandiloquent, précieux, maniéré et éthéré qui finit parfois par lasser, Barrès nous invite à une lecture assez difficile, demandant une attention soutenue, d'une histoire des années d'apprentissage d'un moi, âme ou esprit d'un jeune homme à l'âme infiniment sensible ayant le goût du plaisir et du vagabondage, en faisant référence à ses rêves et ses casuistiques, à sa fièvre de se connaître en plongeant dans sa vie intérieure. Les premiers temps sont difficiles face à ceux qu'il appelle les barbares. le narrateur s'adressant au jeune homme : « Vous eûtes leur sottise pour compagne, alors que vous grandissiez sous la brutalité des camarades et l'imbécillité des maîtres. »
Méfiance à l'égard de la femme malgré son attrait irrésistible, admirons cependant le style de Barrès : « À l'heure où la lune s'allume, où les bêtes féroces jadis assaillaient nos lointains aïeux, où naguère s'embuscadaient nos pères paraphant des alliances dans la chair des assassinés, à cette heure étoilée qui frissonne du gémissement des fiévreux et du perpétuel soupir des amantes, une langueur nous pénètre, un effroi de la solitude, une élévation mystique et des désirs assez vifs… et s'avance pour triompher la femme… inquiète de ce jeune homme si las, devinant peut-être qu'il contemplait là-bas, plus loin que tout désir, le temple de la sagesse éternelle vers qui les plus nobles s'exaltent. Elle posa sa main délicate sur les yeux du jeune homme… Qu'importe le mot de leur fièvre dévorante! Parmi cette tendresse du soir, sur les gazons onctueux, dans le silence pénétrant et la fraîcheur féconde, la même allégresse, en leurs poitrines allégées d'un même poids, rythmait leurs pensées et leur sang ; et c'est ainsi qu'étendus côte à côte, sans se mouvoir, sans un soupir, yeux perdus dans la nuit d'argent que toujours on regrettera sous la pluie dorée de midi, ils ne furent plus qu'un frissonnement du bonheur impersonnel. »
La ligne de conduite du jeune homme et de s'en tenir à dégager son moi « des alluvions qu'y rejette sans cesse le fleuve immonde des barbares » et voir son âme « remontée dans sa tour d'ivoire qu'assiègent ces mêmes barbares, sous l'assaut de tant d'influences vulgaires. »
Une lecture réservée aux spécialistes de Barrès ou à ceux qui désirent le connaître et à qui je souhaite une grande résolution.
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