Le jardin des Sangarde

J'ai été très touchée par ce roman peut être parce que je comprends bien le personnage principal, Eve Sangarde, universitaire brillante, bourreau de travail, légèrement condescendante envers ceux qui ne sont pas comme elle, jusqu'au jour où c'est la chute, celle qui fait peur, celle qui vous empêche de manger, de sortir, de socialiser, vous devenez un animal qui veut juste se terrer dans son terrier, loin du monde. Vous coupez le contact.
C'est dans la maison de sa grand-mère,héritage familial maternel qu'Eve va se cacher. Eve a toujours eu peur de Catherine, de cette femme dure, sèche, exigeante, l'inverse de la mère d'Eve, Ariane, conciliante à l'excès, maladroite dans ses attentions.
Thérapie, médicaments et surtout la rencontre avec un taiseux, le vieux Guillaume Pinson, qui lui apporte des légumes de son jardin, va se lier doucement avec la femme blessée qu'est Eve, lui faire découvrir la terre, la vie qui revient toujours, la forêt.
Quand le roman se termine, Eve n'est pas guérie, mais elle a investi la maison, reprend pied lentement avec l'aide de deux autres personnes, plus jeunes : Gabrielle et Félix, fils d'un artiste très particulier, destructeur et coercitif. C'est Félix qui va mettre la main sur le journal de Catherine, la terrible grand-mère que va commencer à lire Eve. Il y aura une suite : il le faut ! J'aime l'idée que Gabrielle comme l'ange et Felix comme la félicité entourent Eve. Les prénoms me semblent très évocateurs : Eve comme la femme qui a eu accès à la connaissance et l'a payé cher, Ariane, celle dont le fil permet à Thésée de sortir du labyrinthe mais qui finit abandonnée sur l'île de Naxos. Ce texte est délicat et sensible : il respire le réel, la connaissance de ce phénomène de dépression, que tout le monde connaît, mais que peu vivent dans leur chair.