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Critique de Dominique_Lin


Lorsque Isabelle Bedouet a commencé sa thèse de psychothérapeute en s'appuyant sur l'affaire des soeurs Papin, affaire qui a fait le tour du monde, a alimenté toutes les conversations pendant des décennies, fut l'objet de films, pièce de théâtre, de nombreux livres et d'analyses de spécialistes de la psychiatrie, elle ne s'attendait pas à faire surgir une vérité enfermée dans un grenier pendant 80 années !

Petit rappel des faits
Le 2 février 1933, c'était un jeudi, Christine et Léa Papin, les bonnes de la maison Lancelin, repassent du linge dans une pièce du premier étage de la maison familiale. Elles sont seules. Madame et sa fille sont sorties, Monsieur est avec des amis. Un dérèglement du fer électrique provoque un court-circuit qui fait sauter les plombs et plonge la demeure dans le noir
Quand Mme Lancelin et sa fille rentrent dans la maison, il fait nuit tôt à cette saison, elles tentent d'allumer la lumière. Rien.
Deux heures plus tard, M. Lancelin ne peut pas entrer chez lui, aucune lumière apparente, la porte fermée de l'intérieur, il s'inquiète.
Seule une lumière de bougie indique une présence dans la chambre des bonnes — à cette époque, on ne quitte pas une pièce en laissant la bougie allumée —, elles sont donc là, mais ne répondent pas.
M. Lancelin, un brigadier et 2 agents (Ragot et Vérité, ça ne s'invente pas !) qu'il est allé chercher, pénètrent quelques minutes plus tard, dans la maison obscure et silencieuse.
Tout s'accélère et ce qu'ils découvrent est choquant : quelques mètres avant le palier, un oeil humain. Un peu plus haut deux cadavres : Mme Lancelin et sa fille ; leurs yeux ont disparu, la bouche n'existe plus, les dents ont été projetées, les jupes ont été soulevées et les culottes ont été baissées sur les genoux. Les armes du crime sont restées près des corps : un couteau de cuisine, un pot en étain déformé, un marteau couvert de sang. Au dernier étage dans leur chambre, les deux soeurs sont enlacées dans le même lit.

« Oui, c'est nous qui avons tué. Nous ne regrettons rien ».

C'est là qu'intervient la découverte d'Isabelle Bedouet.
Bien sûr, il y a eu analyse psychiatrique, menée par 3 experts comme le demande la loi. Mais les documents originaux exceptionnels auxquels l'auteur a eu accès par les descendants d'un de ces experts montrent que l'analyse a été complètement faussée, et que le rapport préliminaire passé de mains en main des spécialistes a été annoté, retravaillé d'une telle façon que la version finale n'avait plus rien à voir avec la vérité. Et c'est cette vérité que recherche l'auteur à travers ses enquêtes.
Derrière cette affaire se cache une autre histoire, celle des notables du centre-ville du Mans qui se connaissent tous, juges, avocats, notaires, hommes politiques et d'affaires… M. Lancelin, ancien avoué, est l'objet d'une enquête suite à plus de 700 plaintes de clients floués, dont une grande partie habite à quelques numéros de la même rue que lui. Ils fréquentent tous les mêmes lieux, les mêmes soirées, et les affaires se décident souvent hors les procédures officielles.
Le 4 février, 2 jours après le double meurtre, M. Lancelin est acquitté… adieu les 700 plaignants.

Quant aux deux soeurs Papin, là aussi, Isabelle Bedouet a ouvert de nouvelles pistes d'analyse, présentes dans le rapport, mais absentes du procès. L'aînée, Christine, avait besoin de figures de proue pour se repérer dans la vie. Ses patrons se devaient d'être des exemples, et dans cet univers clos de la vie d'une bonne qui habite à l'étage de la maison où elle travaille, il est clair que le mari était loin d'être un modèle.
Autre « modèle » frappant : en juillet 1932, soit 6 mois avant les faits, un autre double meurtre avait eu lieu dans les mêmes circonstances, les mêmes actes de barbarie tels que l'énucléation (à la main, comme on fait pour les lapins…), visage frappé à mort, jupes retroussées et culotte sur les genoux. Cela se passait dans une ferme de la région, seul le contexte différait.
Christine Papin a dû lire les articles dans le journal décrivant tous ces détails. le voilà le modèle. Point par point, le crime est le même. Dans l'instant de « folie » qui a pris ces deux soeurs au caractère un peu particulier, les images de cet autre crime se sont-elles superposées ? La voie est grande ouverte dans cette direction, car aucun acte sexuel n'a été commis, aucune violence ne régnait dans la maison, les Lancelin avaient l'air de bons patrons envers les 2 soeurs.

Ce sont ainsi de nombreux faits, de nombreux dysfonctionnements que fait surgir l'auteure et qui ont échappé à l'histoire.

Les juges voulaient un coupable (en justice, 2 accusés ne peuvent être coupables de façon égale), elle ne pouvait donc pas être folle. 25 semaines d'instruction pour 1 seule journée de procès, dont 40 minutes de délibération des jurés. Christine Papin condamnée à mort (peine commuée peu après en prison à vie) et Léa à 10 ans de prison qu'elle fera jusqu'au dernier jour.
Comme je l'ai évoqué plus haut, nous avons de très nombreux écrits à ce propos, mais Isabelle Bedouet est la seule à avoir eu accès à des documents totalement inattendus, et surtout révélateurs d'une histoire dont tous ceux qui en ont parlé avant n'avaient pas toutes les clés.

Une auteure à découvrir et à rencontrer
Ce livre se lit comme un roman, un polar dont on tourne les pages avec l'envie d'aller plus loin, de savoir, de comprendre les ressorts d'une affaire beaucoup plus complexe que ce qu'elle est apparue jusqu'à cette nouvelle approche.

Chaque fois que l'auteure est invitée, le public est conquis et les questions fusent. J'ai eu le plaisir de rencontrer Isabelle Bedouet à La Baume-Cornillane et à la librairie Elan Sud à Orange. Chaque fois, le même enthousiasme, la même passion et le même pétillement dans l'oeil de celle qui continue à dénoncer les impostures là où on ne les attend pas. Nous la retrouverons dans d'autres enquêtes prochainement avec plaisir.
Lien : http://dominiquelin.overblog..
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