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Critique de nicolaslaruaz


Cet essai avait un objectif prometteur : restituer la notion de common decency, généralement mal traduite en français mais concept fondamental de l'oeuvre d'Orwell. La décence ordinaire, c'est la qualité morale innée qu'a le peuple de savoir intuitivement ce qui est bon ou pas, et que les élites ont perdu en s'éloignant du peuple. Cette notion est développée tant dans les essais d'Orwell (que je n'ai pas lu), que dans ses romans sociaux. Pour Orwell, les décisions politiques devraient se baser sur ce sens primordial, issu de l'expérience concrète de la vie simple.

Malheureusement, on n'apprend pas grand chose passées les 30 premières pages qui cadrent le sujet, le contenu d'introduction semblant simplement ressassé dans le reste de l'ouvrage à des sauces différentes, sur le mode de l'éloge au maître. L'auteur décrit bien la genèse de cette notion de décence ordinaire au travers des textes d'Orwell, certes, mais jamais ne tente de la secouer, de la “challenger”. Voire d'approfondir les points laissés sans réponse par Orwell lui même, en s'appropriant la notion.

Par exemple, les principes moraux innés qui définissent cette décence ordinaire sont-ils les mêmes en fonction des pays ? Ou plutôt : comment réconcilier cette prétention à forger une morale universelle alors qu'on constate des moeurs et principes moraux différents en fonction des peuples ? Sont-ils donc vraiment universels ? S'ils ont une origine culturelle, d'où viennent-ils ? Sont-ils applicables seulement aux sociétés industrielles, ou par exemple aux sociétés tribales ? D'ailleurs, quel est le périmètre précis des ces principes ? Qu'est ce qui entre dans la common decency ? Des comportements sociaux ? politiques ? Les moeurs aussi ?

Par ailleurs, seul “le peuple” bénéficie selon Orwell de cette capacité à distinguer le bien du mal. Quel est le processus de perte de la common decency chez les élites ? Peut-on entrer dans le monde “d'élite” sans perdre ce sens de la common decency ? Et à quelles conditions ?

On pourrait donc se demander ce que le flou de la définition de la common decency dit de la vision du monde d'Orwell. Mais l'essai ne prendra jamais ce recul.

Toutes ces questions qui semblent aller de soi dès lors que l'on écrit un ouvrage sur la philosophie morale ne sont tout simplement pas abordées - sans doute d'une part par ce que l'objectif de Bruce Bégout est d'abord de rendre hommage à Orwell et à sa conception du peuple, pas de la remettre en question ou de l'insérer dans une analyse dialectique plus large. Et aussi parce qu'Orwell n'était tout simplement pas un philosophe de la morale, seulement un écrivain qui sentait très bien le monde - et c'est déjà exceptionnel. le concept de départ était flou, et il le restera à l'issue de ce livre.
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