AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de beatriceferon


A plus de quatre-vingts ans, Marie vit quasi-recluse dans la maison de son enfance avec un mari malade.
Chaque jour, elle accomplit avec minutie tout un rituel pour s'assurer que chaque porte, chaque fenêtre est bien fermée, qu'aucune lampe ne reste allumée.
Une nuit, le bruit d'une tuile qui dégringole la plonge dans les affres des suppositions : la pluie qui s'infiltre, la charpente qui pourrit, la toiture qui s'effondre... C'est sûr, demain, il faudra que Roger vienne réparer.
Peu à peu, Marie s'immerge dans les souvenirs. L'amertume l'envahit. Existe-t-il sur terre un seul être dont le destin fut aussi tragique ?
En une journée unique, Hervé Bel fait se dérouler tout le film d'une vie. L'histoire nous est racontée par le biais d'une vision unique : celle de Marie. Tantôt, le narrateur est extérieur, tantôt, Marie prend le relais, toujours, c'est son point de vue qui nous est exposé.
Mais, à la fin du roman, brutalement, la vision change. Michel et Christine, le fils et la belle-fille, alertés par Roger, pénètrent dans la maison En même temps que leur regard, le lecteur balaie la pièce avec stupéfaction. Il découvre l'horreur. Il sent l'odeur. Elle lui pique le nez. Il ne peut s'en débarrasser.
Repliée exclusivement sur elle-même, Marie a endossé le costume du tyran domestique. Tout et tous doivent se plier à sa volonté de fer : « - Jure-le ! Dit-elle. - Je te le jure, ma Ririe. - Sur la tête de Pierre ? - Oui ! - Qu'il meure en Algérie si tu mens. - Oui. - Répète ! - Qu'il meure en Algérie si je mens. »
Quand Michel, son deuxième fils, lui annonce qu'il aime Christine : « C'est une fille, une fille ! Elle prononçait le mot « fille » comme elle eût parlé d'une matière fécale. »
Marie ne sait pas que l'amour est un trésor qui s'accroît quand on en donne. Pour elle, il n'y en a qu'une portion finie. En le partageant avec quelqu'un d'autre, ses proches lui en prennent.
« Elle a toujours vécu dans cette illusion que le monde était un parterre et qu'elle était sur la scène, aimée de son public et elle, la vedette, tantôt indifférente, tantôt gentille, tantôt méchante, mais toujours pardonnée. »
Un magistral portrait de femme, un monstre, une « loméchuse », cet insecte qui s'arrange pour que les fourmis abandonnent leurs propres larves afin de s'occuper de celles de l'intruse, faisant le vide autour d'elle, réduisant la fourmilière à l'état de cimetière.
Une construction maîtrisée avec un effet final saisissant. Un style limpide, raffiné, poétique, parfois : « le vent se lève, légèrement, comme une expiration humaine ». Et la capacité magistrale de fixer des images, des sons, des odeurs surtout.
J'ai tout aimé dans ce roman splendide, en dépit de son âpreté, de sa cruauté, même, parfois. Je l'ai adoré et je le recommande chaudement.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}