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Critique de Betmalle


On est vite embarqué dans cette histoire racontée de voix vive, au rythme naturel d'une construction qui semble improvisée, guidée et illustrée par des souvenirs, des images qui forment le décor vrai d'un récit authentique (documenté avec photos à l'appui) – et qui sonne pourtant délicieusement comme un conte.

Nous sommes transportés à Saigon, une vingtaine d'années après la fin du conflit qui a opposé le nord et le sud Viet-Nam. La conteuse (douée d'un art qui semble lui avoir été greffé au corps et au coeur depuis toujours) aime sauter d'une tête à l'autre des personnages, entrecroisant leurs points de vues, les effets de leurs imaginations, l'expression de leurs désirs, de leurs folies ou de leurs rêves.
Bien sûr il y a un point de vue fédérateur, sinon on s'y perdrait, c'est celui de Thom, enfant d'un Américain repartit aux States après la guerre, après avoir aimé une fille du pays. Elle s'appelle Maï, la mère de Thom, et elle ne s'occupe pas vraiment de lui.
Thom rêve de retrouver son père, il s'imagine qu'il est revenu à Saigon, qu'il est logé dans un grand hôtel, au Rex, et qu'il va enfin le rencontrer.

Il y a autour de Thom de nombreux alliés pour tenter de réaliser son rêve de père : Yen, son grand camarade débrouillard qui sillonne la ville en sa compagnie, Kim la charmante, qui tient le kiosque des journaux au Rex, Doc-la-guerre, un vieux au poitrail chargé de décorations militaires, un peu dérangé par les horreurs vécues, mais qui s'est donné pour mission de traquer tous les touristes abuseurs d'enfants, et qui exerce une autorité morale sur Thom.
Et puis surtout il y a grand-père Lê et sa fille, la bonzesse Komaï:

« Grand-père Lê a une barbe blanche et presque plus de dents. Il est savant, lit des livres et raconte beaucoup de choses. On dit qu'il est venu de Chine, il y a longtemps, avant la guerre, Thom n'était pas né. Comme il est toujours dehors, il voit tout, rien ne lui échappe. On se demande quand il dort. Grand-père Lê vit avec sa fille, Komaï, elle aussi est savante, elle fait la classe aux enfants. Parfois, elle attrape Thom mais refuse de le forcer – oui. Quand Komaï l'attrape Thom la suit dans la pièce en face les cuisines du Body Tree, il s'assoit sur ses talons et écoute et répète, il est sage. Il écrit parfois, il a appris petit à petit. »

Voyez comme on avance, au tempo de cette langue simple et directe, allant doucement et irrésistiblement au coeur du sujet du livre : la vocation d'aider les enfants de Saigon à se sortir de l'abandon où certains se trouvent, en perte de tout, de parents, d'éducation, de soutien :
« … livrés à eux-mêmes ils passent leurs journées, leurs nuits même, dans les rues. Ils sont plus ou moins pauvres, selon que le père ou la mère a ou non un petit travail. Certains parents sont malades, ou boivent de l'alcool toute la journée, ne travaillent pas, et obligent les enfants à leur rapporter de l'argent. Alors, les enfants mendient, volent, ou trouvent à exercer de petits métiers, ou se vendre. »

Komaï, qui incarne cette vocation, anime le Body Tree qu'elle a fondé, un restau-association qui héberge et nourrit les personnes sans ressources. Mais ce n'est pas tout : elle participe aussi à un grand projet visant à accueillir, éduquer et former les enfants, afin de leur fournir, par l'éveil aux savoirs tous horizons, les outils pour construire leur avenir :

« … il n'y a pas que le tourisme, il peut décroître ou s'arrêter, c'est pourquoi il faut apprendre à produire et vendre en divers domaines, restauration, artisanat d'art, hôtellerie… mais aussi éducation et enseignement ; car une fois éduqué et détenteur de savoirs, chacun a la mission de les partager, ainsi le niveau de la population s'élèvera… Cela s'appelle le développement. »

« le bateau des enfants » est un récit extraordinairement vivant, sans aucun doute parce que la plupart du temps on vit les événements dans la peau de Thom et à travers son âme imaginative, à travers celles de ses amis aussi, beaucoup plus réalistes que lui – ça fait contraste –, et que l'auteur, par la force d'une écriture dénuée d'effets et pourtant incroyablement picturale, nous plonge dans l'atmosphère des quartiers, des rues, des marchés:
« Dans la brume légère du matin tropical, des jonques de toutes tailles se balancent sur leur ancre, tandis que des hommes les chargent ou les déchargent de marchandises diverses. Thom les regarde courir sur les planches minces reliant les embarcations à la rive. Comme ils sont habiles et forts, et vaillants ! Leurs silhouettes courent sur la rive comme les lettres d'un alphabet inconnu, la langue de l'action et de l'invention, la langue des libertés. Et pourtant, ils savent tous où ils vont et ce qu'ils ont à faire. Et ce qu'ils sont. »
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