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Critique de Merik


Beaucoup d'audace, de toupet. Mais aussi un souffle de liberté traverse ce roman à la narration débridée, où l'auteur peut finir par dessiner bite et vagin quand les mots lui paraissent vains pour expliquer ce que G. ressentit lors de sa toute première, avec sa tante Béatrice : «[...] L'expérience = moi + la vie. Mais comment écrire là-dessus ? Cette équation est inexprimable à la troisième personne et sous une forme narrative. La troisième personne et la forme narrative sont les clauses d'un contrat passé entre l'auteur et le lecteur, basé sur le fait qu'ils sont à même de comprendre la troisième personne mieux qu'elle ne le peut elle-même; et cela détruit les termes mêmes de l'équation. »
G. le bâtard, fruit des amours adultérins d'un commerçant de Livourne avec une richissime anglaise, qui sera éduqué dans la campagne anglaise par l'oncle et la tante, frère et soeur.
G. protagoniste central, figure emblématique du Don Juan, érigée en étendard effronté à la face d'un monde en turbulence de la fin du 19ème - début du 20ème. L'intime y côtoie souvent la foule, le particulier s'immisce dans l'histoire. G. adulte séduit Camille quand l'aviateur Géo Chavez franchit le premier les Alpes (et en meurt). Ou Nusa ou Marika quand les irrédentistes de Trieste luttent, avant l'entrée en lice de l'Italie dans 14-18. Alternance des scènes, on virevolte souvent du quotidien de G. au contexte historique, au détriment parfois de la fluidité. L'auteur s'en dédouane : « Je vois des champs où d'autres voient des chapitres. Et je suis donc forcé d'utiliser une autre méthode pour tenter de situer et de définir les événements. Une méthode qui procède par coordinations extensives dans l'espace plutôt que consécutives dans le temps ».
Il y a aussi des passages sublimes de réflexions abouties dans ce livre. John Berger y avance souvent sur le fil ténu d'un équilibriste de la maxime, du théorème ou de la métaphore, s'auto-flagellant même à l'occasion («Certains disent que mon écriture est surchargée de métaphores et de comparaisons, que rien n'est jamais ce qu'il est mais toujours comme quelque chose d'autre. […] Je suis frappé par le caractère unique de chaque chose. de là ma difficulté d'écrivain- peut-être ma somptueuse incapacité à être écrivain.»).
Un auteur touche-à tout à la fois adepte d'art, de poésie et d'émancipation marxiste (il partagera le Booker Price avec les Black Panthers). Ce qui déteint sur sa prose libre qui fait en plus le grand écart des « coordinations extensives », un tantinet casse-gueule en conséquence, surtout pour le lecteur comme moi qui a dû parfois insister à plusieurs reprises pour ne pas le perdre de vue, perché tout là-haut sur son fil.
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