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Critique de hcdahlem


Dans le grand bain
Quand on a raté son bac, qu'on vit dans un quartier difficile avec une mère célibataire, l'avenir n'est pas rose. Issa réussira-t-il à s'en sortir ?

À 25 ans, Boris Bergmann nous offre déjà son quatrième roman. On se souviendra notamment de Viens là que je te tue ma belle, paru en 2007, alors couronné par un prix créé pour l'occasion, le Prix de Flore du Lycéen et de Déserteur paru en 2016. Cette fois le jeune homme s'est mis dans la peau d'un jeune métis prénommé Issa, un héritage du Mali d'où vient Fatumata, sa mère. de son père on ne saura rien d'autre qu'il a fui avant même sa naissance. À la périphérie de Paris, pas la banlieue chaude mais plutôt un «bourrelet tiède», l'horizon se résume aux barres d'immeuble et au désoeuvrement. Quand, comme Issa, on ne veut pas sombrer dans la délinquance, il n'y a guère que les petits boulots pour essayer de seconder une mère qui connaît mieux que personne la chanson métro, boulot, dodo. Car Issa vient de rater son bac, sans espoir de rattrappage.
Fort heureusement, il n'est pas seul dans sa galère. Élie, son voisin, lui propose de quitter la Cité du Parc, bât. B, esc. 2, 3e ét., appt. 24C pour une nouvelle expérience: la piscine municipale.
Ce qui semble à priori un loisir comme un autre a tout d'un rite de passage pour Issa. Dans tous les sens du terme, il doit se découvrir, oublier sa pudeur et les interdits que les intégristes entendent lui faire respecter. C'est peu dire qu'il rentre avec appréhension dans l'eau. Mais il va surmonter le traumatisme et apprendre à regarder son corps et celui des autres, notamment celui des femmes. « Il saisit l'importanoe de ce premier pas vers le corps de l‘autre. Il a réussi, sans avoir le choix, à partager un peu de salive, de langue, de dent, de peau. C'est quand même son premier baiser. Sa passion naissante d'adolescent solitaire n'est plus confrontée à son propre vide mais à la passion d'un autre (…) Issa sent pousser en lui la plante commune – désir d'être désirable. » Et la métamorphose est spectaculaire. L'anxieux, le mélancolique, le résigné, l'envieux de son copain extraverti va avancer ses pions. Au fur et à mesure de ses progrès en natation, il va se transformer, tenter de dépasser ses propres limites, mais aussi celles que les ancêtres de Tombouctou veulent lui imposer en jufeant sa pratique sportive impure. Sa situation sociale ne lui fait plus peur, lui qui né « dans le tiroir du bas. Dernière petite tache de pourriture sur la carte de la capitale, en haut à droite. » Il s'enhardit à franchir le prériphérique, à répondre aux attaques des bandes qui hantent la cité, à venir en aide à Élie qui doit subir les coups d'un père violent.
Du coup, il s'inscrit à la formation de maître-nageur sauveteur. Un autre moyen de s'insérer… et d'épater les filles.
« Toutes ses lourdeurs tombent au sol, abandonnées comme de vieux vêtements sales. Profanation des certitudes, des évidences, des lacunes, des pauvretés, des temporalités. Tout chavire, tout se mélange… »
Boris Bergmann sait admirablement rendre compte de cette métamorphose. À l'inverse de Delphine de Vigan qui raconte une descente aux enfers dans Les Loyautés, ce roman d'apprentissage tente d'oublier le malheur et les drames pour nous montrer qu'une autre voie est possible. Mais le combat est rude. Ici, il n'est pas question de lendemains qui chantent, mais de petites victoires, d'une rencontre qui permet d'avancer encore un peu davantage vers l'émancipation. À tel point qu'on aimerait quelquefois pousser Issa, l'aider à faire de plus grands pas. Mais Issa avance à son rythme, mesuré mais déterminé. N'hésitez pas vous aussi à vous lancer dans le grand bain. Vous verrez combien cette Nage libre peut faire du bien.
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