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Critique de Ana_Kronik


Un peu étonnée de certains avis qui jugent cet ouvrage daté ou basique. Pour moi, il reste plein d'enseignement. Au point que ce sera ma plus longue critique à ce jour!

Bien sûr, nous connaissons tous l'utilisation de la propagande dans la publicité. Si on analysait nos décisions d'achat, il y aurait sans doute moins de SUV dans nos villes. On sait bien que le choix d'une voiture n'est pas basé sur la raison, mais sur la psychologie, le rêve (ah, ces superbes carrosseries rutilantes dévorant des pistes immenses et des routes de montagne désertes...), ou encore, le désir d'épater le voisin.

Mais avons-nous toujours le réflexe de nous demander si les informations - qui nous submergent en permanence - sont choisies pour leur intérêt, ou pour nous influencer? de quand date la dernière pensée qui nous soit propre, qui ne soit pas la répétition (in)consciente d'une idée de quelqu'un d'autre?

C'est surtout le plan politique que ce livre est fort utile. D'abord parce qu'il pousse à s'interroger sur les fondements même du fonctionnement de notre société, sur l'impossibilité d'arriver à un consensus sur quasiment tous les sujets, et, au final, sur le fait que ce soit une toute petite caste auto-désignée qui oriente les décisions dans le sens qui lui convient le mieux. Tout simplement, parce qu'elle a les moyens financiers de faire de la propagande, c'est-à-dire au sens originel du terme, de propager des idées et des croyances. Qui la servent.

Bernays nous éclaire aussi sur le rôle de ce que l'on appelle les Relations Publiques. Qui ne sont pas seulement, comme on pourrait le penser, des communicants destinés à diffuser la parole de ceux qu'ils représentent. Non, pour lui, leur rôle va bien au-delà: la communication doit se faire dans les deux sens. Il est fondamental de "prendre la température", de faire remonter les idées et les désirs de la base. (Au passage, c'est ce qu'avait bien compris et appliqué l'équipe de campagne d'Obama, avec succès). Car le rôle de la masse est devenu incontournable: autrefois, les dirigeants faisaient ce qu'ils voulaient; de nos jours, ils ne peuvent plus aller contre une opinion défavorable. D'où le rôle fondamental de la propagande: préparer l'opinion à des idées.

Bien que Bernays ait écrit tout cela il y a près d'un siècle, ce qu'il nous dit sur l'incompréhension des politiques vis-à-vis des moyens de communication me semble toujours aussi vrai aujourd'hui: il n'est que de voir les piteuses tentatives de certains sur les réseaux sociaux...

Le rôle d'un homme d'Etat, nous dit Bernays en citant George-Bernard Shaw, est de formuler scientifiquement la volonté d'un peuple. Et Bernays de plaider pour des campagnes basées sur des programmes clairs et précis, des résultats concrets à atteindre. de quand date le dernier chez nous, des 101 propositions du candidat Miterrand? A quoi servent, fustige-t'il, ces shows à paillettes, ces discours grandiloquents, éclatants et bavards?

Bien sûr, certaines idées de Bernays nous seront étranges, repoussantes même. Il a parfois mis son talent au service de causes fort discutables. Et d'autres louables aussi, comme le dévoile Normand Baillargeon dans son excellente préface. le sujet n'est pas là: il est dans l'exposition simple des méthodes à utiliser pour promouvoir une idée. Rien que le petit chapitre consacré à la propagande au service de l'éducation mériterait une analyse à part. Celui sur l'art vaut aussi le détour: pour lui, les musées devraient décider de ce qui est beau. On peut en sourire, mais au vu du fonctionnement du marché de l'art, de la manière dont certains artistes deviennent des produits à la mode, le sourire devient rictus...

Au passage, et pour revenir sur le terrain de l'entreprise, Bernays explique un élément rarement mis en avant: si le public n'est pas monolithique dans ces opinions, les intérêts des marchands sont également en compétition. Tous se disputent le contenu du porte-monnaie du consommateur. Non seulement Panzani est en concurrence avec Barilla, mais il l'est aussi avec les producteurs de légumes. Ce point rarement évoqué (je l'ai entendu une seule fois dans la bouche d'un ancien patron du Medef) rend particulièrement complexe la mise au point d'un programme commun patronal. On peut s'en réjouir, mais aussi le déplorer, dans la mesure où ce qui reste de commun devient souvent simpliste, caricatural, ou pire, inefficace (exemple: le crédit d'impôt compétitivité).

Bref, un livre qui aide grandement à développer la pensée critique. A nous de nous demander lorsque nous recevons une info, d'où elle vient, et quels intérêts elle sert.
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