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Critique de Musa_aka_Cthulie


Ah ah ! Rares sont les élus qui ont eu la chance - ou dirai-je le courage ? - de lire L'art du théâtre, ce chef-d'oeuvre de platitudes de la grande Sarah Bernhardt !


Avec une telle entrée en matière, je crois que avez déjà deviné quel est mon sentiment face à ce livre, dont la littérature, le théâtre et le monde entier auraient très bien pu se passer. Sarah Bernhardt ne m'était certes pas sympathique depuis que j'avais lu sa biographie par Sophie-Aude Picon, mais enfin, on m'avait dit (aaarrrggghhhhhhhh!!!) qu'elle écrivait bien et que son autobiographie ne manquait pas d'humour. L'autobiographie en question fait bien 500 pages, donc j'étais déjà moyennement partante, et elle ne m'était pas non plus accessible. Qu'à cela ne tienne, je découvre alors avec délices qu'elle a écrit un livre sur le théâtre, empruntable et de moitié moins long. Et voilà qui colle parfaitement avec le bonus mensuel du mois de mai choisi par 5Arabella pour le challenge Théâtre : "L'acteur dans tous ses états." J'allais au moins rire un peu, me disais-je, ou du moins sourire.


Ah pour ça oui, j'ai ri, pendant les deux premières pages. Qui sont un ramassis de mensonges, ou disons de contre-vérités, puisque Sarah Bernhardt, dont on s'est beaucoup moqué à ses débuts, affirme tout de go qu'elle a fait un tabac auprès du public dès sa première entrée en scène. Ah ah, elle est bien bonne. Et la voilà qui, l'air de rien, ajoute qu'elle est pourvue de dons naturels qui la destinaient au théâtre. Ah ah ! Écoutez donc un enregistrement d'un de ses monologues, ou mieux, lisez une biographie, vous aurez une tout autre idée de son talent "naturel". Bon, on rit comme ça pendant deux pages, disais-je, mais seulement à condition de connaître le personnage en question, et puis on se lasse très vite.


Le reste n'est que banalités, lieux communs, clichés, platitudes, poncifs, et autres propos dépourvus d'intérêt, quand elle ne dit pas carrément des idioties. Donc, en gros, voilà à quoi se résume ce livre, il est vrai écrit sur le tard, il est vrai pas tout à fait achevé puisqu'elle est morte avant d'y mettre un point final (mais on ne voit pas bien en quoi ça aurait changé quelque chose) : l'acteur doit avoir de la mémoire, l'acteur doit être bien proportionné, l'acteur doit bien choisir ses rôles, l'acteur doit être cultivé, l'acteur doit avoir une voix d'acteur, l'acteur doit prononcer ses répliques de façon à ce qu'elles soient comprises par le public, l'acteur doit avoir de la volonté, l'acteur doit être naturel (oui, oui), l'acteur doit savoir bouger, l'acteur doit avoir de la sensibilité, et que sais-je encore. le tout assorti d'anecdotes inintéressantes, qui visent à démonter à peu près tous ses confrères et consoeurs, et à la mettre elle-même en valeur.


Ajoutons à cela qu'elle fait la maligne, croyant s'y connaître en théâtre grec, à propos duquel elle écrit les pires sottises, ou encore qu'elle dit ne jamais avoir joué de personnage de Corneille, parce que les personnages féminins de Corneille ont des cerveaux d'hommes (mais oui, mais oui), puis qu'elle enchaîne sans transition sur un chapitre où elle explique qu'elle a joué des rôles d'homme parce qu'elle a un cerveau d'homme. Hum. En revanche, elle oublie bizarrement de mentionner qu'elle a joué essentiellement (eh oui, on n'en parle jamais) du boulevard, et pas forcément du meilleur, et que le public américain, dont elle se plaint - il l'aurait harcelée et elle aurait détesté ça -, l'a adorée parce que, d'abord, elle jouait avec la pire outrance dans une langue qu'ils ne comprenaient pas, qu'elle les avait savamment préparés à leur faire croire que le grand théâtre, c'était ça, et qu'elle avait tout fait pour se créer un personnage de grande star aux États-Unis.


Mais pour que vous ayez une idée plus précise de ce contient ce magnifique essai, un extrait, de la plume exquise de Sarah Bernhardt. C'est à la fin, où elle est prise d'un irrépressible besoin de se montrer lyrique et de démontrer à quel point elle est tout imprégnée de la plus grande modestie :
"Oh ! ce coeur qui bat derrière nous, nous le sentons dans notre coeur, nous l'entendons dans nos oreilles, et quand, enfin, le public jette son cri de vaincu dans l'écroulement de ses bravos, nous avons l'infinie jouissance du martyre au paroxysme de sa douleur, de l'amant dans la réalisation de son rêve."


Je pense avoir fait le tour de ce ramassis de stupidités, mais ajoutons tout de même ceci : la quatrième de couverture que j'ai sous les yeux mentionne que "s'adressant aux jeune comédiens, Sarah Bernhardt leur livre les clés et les secrets du jeu et du métier d'acteur. Ses indications et ses conseils précis sont d'autant plus efficaces qu'ils restent d'actualité." J'en reste sur les fesses.



Challenge Théâtre 2020
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