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Critique de Ys


Ys
11 décembre 2014
"Je viens de perdre le plus grand homme de mon royaume", déclara Louis XIV à sa mort. Et pourtant, il lui en avait fait voir, au royaume, le grand homme. Rebelle longtemps impénitent, il incarna le dernier grand sursaut de la noblesse d'épée face à la toute-puissance croissante de l'Etat centralisé, déclencha contre Mazarin une guerre civile dévastatrice, passa à l'ennemi espagnol pour ne pas avoir à se soumettre... et plia, enfin, sur le tard, vaincu par les rouages d'une diplomatie à laquelle il restait fondamentalement étranger, et par la nécessité d'assurer à son fils un avenir plus stable que son présent.
Vaincu, mais pas brisé, et ce fut peut-être sa plus grande victoire : celle qu'il gagna sur lui-même, sur son orgueil démesuré et sa violence, pour retrouver une place, une place unique, incomparable mais pleinement acceptée par le pouvoir, dans un monde où le modèle qu'il avait longtemps incarné se trouvait à jamais périmé.
S'il en fut capable, c'est que le chef militaire génial capable de renverser les situations les plus désespérées, le guerrier impétueux menant l'assaut sans se soucier du danger, le héros d'épopée que retint surtout l'histoire, était aussi homme d'esprit et de culture - une intelligence vaste et curieuse, aveuglée un temps par sa propre arrogance mais capable, elle aussi, de tous les exploits.
Rongé par la goutte, retiré des champs de bataille dans son château de Chantilly, il sut se ménager une fin aussi belle que ses débuts, protecteur des sciences et des Lettres, de tous les esprits libres capables de défier les pesanteurs des traditions, les vieilles superstitions et l'opiniâtreté des bigots.

Plus admirable qu'attachant, odieux souvent, furieusement sympathique malgré tout, intéressé et prodigue, intellectuel et instinctif, libertin et austère, le Grand Condé est homme de toutes les contradictions apparentes, prouvant que les héros, moins que quiconque, savent entrer dans les moules trop confortables offerts aux caractères.

Tel est le portrait, de bout en bout passionnant, que dresse Simone Bertière dans cette belle biographie, où la richesse de la documentation s'allie à la finesse de l'analyse.
Question de caractère, qui n'ôte rien à l'objectivité de l'historienne, on sent bien que l'auteur est tout de même plus du côté de Mazarin - le diplomate, l'homme habile travaillant à la paix et à la stabilité de l'Etat -, plutôt que de celui de ce chien fou boucsulant allégrément les quilles du jeu politique, et forçant ses propres intérêts au mépris du bien des peuples et du royaume. Elle peine du coup quelque peu à en rendre, autrement qu'intellectuellement, toute la puissance de fascination, et perd un peu en ampleur ce qu'elle gagne en rectitude.
Pas réellement un défaut pour ce type d'ouvrage qui, les faits en tête, me donne toutefois une sacrée envie d'aller me replonger dans Dumas !

(Lu dans le cadre du challenge ABC 2014 - 2015)
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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