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Critique de Arakasi


Regardez comme il a l'air sympathique, ce bon monsieur Fouquet ! Avec son oeil pétillant, son demi-sourire canaille, sa belle gueule de bon vivant, on a tout de suite envie de lui payer un verre, voire, si l'on est une jeune fille sensible, de flirtouiller un peu avec lui. On en oublierait presque que l'individu a été un des financiers les plus habiles du XVIIe siècle. A quarante ans passés, notre ami Fouquet s'est taillé une solide réputation de coureur de jupon et de mécène, mais aussi d'homme d'affaire impitoyable et d'ardent ambitieux. Or, en cette belle année 1661, les ambitions ont le vent en poupe. le cardinal Mazarin, le très brillant mais mal-aimé premier ministre de Louis XIV, vient de mourir. le roi est jeune, amoureux, il passe pour fainéant et superficiel, et nul doute qu'il s'empressera de se décharger du poids du pouvoir sur le premier homme de confiance capable de lui imposer sa volonté. Et qui serait mieux placé que le surintendant Fouquet, l'un des bras droits du défunt cardinal, pour occuper ce poste délicat et prestigieux ?

Bon financier, notre Fouquet, mais mauvais psychologue… Car si Louis XIV est effectivement fort jeune, il n'est ni fainéant, ni superficiel, et entend bien diriger seul l'état français. Ce bon monsieur Fouquet l'agace prodigieusement et pas seulement parce que sa magnificence lui fait de l'ombre. Aux yeux acérés du roi, Fouquet n'est pas seulement un homme, c'est l'incarnation d'un système financier corrompu qui, s'il avait ses raisons d'être en temps de guerre, n'est plus approprié dans une France pacifiée. Alors, Louis XIV tente un coup d'éclat : le 5 septembre 1661, il fait arrêter le surintendant. Il espère un procès rapide et expéditif, conclu si possible par une sentence de mort, quitte à utiliser sans scrupule sa royale puissance pour faire pression sur les juges. Hélas, voici que ceux-ci se mêlent d'équité ! Quant à Fouquet, il a le cou trop près du billot pour ne pas dégriser aussitôt et jette toutes ses compétences considérables du juriste dans la balance pour se tirer du clapier mortel où il est enfermé. Débute alors une lutte féroce entre le roi et son serviteur, la monarchie et la justice… L'enjeux ? La vie de Fouquet, bien sûr, mais surtout le devenir financier de la France et l'autorité toute neuve du jeune monarque.

Moi qui ai dévoré tous les ouvrages précédents de Simone Bertière, j'avoue avoir longtemps renâclé à m'attaquer au “Procès Fouquet”. Economie, droit, finance, prêts bancaires, emprunts sur le trésor… Ces mots repoussants m'ont effrayée et m'effraient encore. Mais j'ai pris mon courage à deux mains et ne le regrette pas ! Oh, je ne prétends pas avoir tout compris aux magouilles de l'ingénieux surintendant, ni aux méandres sans fin de son procès, mais cela ne m'a pas empêché de prendre un vif intérêt à ma lecture. Pas besoin d'être un grand économiste pour apprécier ce savoureux duel entre deux personnalités entières et complexes. Comme toujours, Bertière excelle dans l'art de la portraitisation, le sens du détail intelligent ou tragi-comique, et sait rendre délicieusement vivant un récit qui, sous une autre plume, aurait pu être d'un ennui assommant. le tout donne un ouvrage fin, vif, souvent ironique, équilibrant à merveille analyse et narration. On en sort avec un unique regret, celui que Bertière n'ait toujours pas eu le temps - ou l'envie - de nous offrir une biographie complète du Roi-Soleil. Beaucoup l'ont fait avant elle, mais je ne doute pas qu'elle se sortirait divinement bien de l'exercice.
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