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Critique de Brize


Brize
23 novembre 2016
Ce titre racoleur (le choix de l'éditeur, disent les auteurs) recouvre un essai percutant sur le transhumanisme, repéré grâce à l'émission de vulgarisation scientifique « La tête au carré » sur France Inter.
Le transhumanisme, pour ceux d'entre vous qui l'ignoreraient, c'est un « projet inédit, prométhéen, sans précédent […] : modifier l'homme, l'améliorer, l'augmenter. le dépasser. » Il est rendu possible « par la convergence de quatre disciplines qui évoluaient jusque-là séparément : les nanotechnologies, qui manipulent la matière à l'échelle de l'atome ; les biotechnologies, qui modèlent le vivant ; l'informatique, en particulier dans ses aspects les plus fondamentaux ; et enfin les sciences cognitives, qui se penchent sur le fonctionnement du cerveau humain. » On appelle cet ensemble les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitique).
Du domaine de la science-fiction (où il m'était déjà familier), le transhumanisme est passé à celui de préoccupation de nos sociétés modernes. Enfin, disons qu'il devrait l'être ! Au cours de l'émission à laquelle je faisais allusion ci-dessus, les auteurs déploraient en effet (ils y reviennent dans l'ouvrage) que le pouvoir politique, dénué de vision prospective, ne s'empare pas de ce qui constitue un des principaux enjeux de notre avenir.
Pour porter ce débat hautement sensible dans la sphère publique, ils ont publié ce petit livre en forme d'entretiens entre eux deux, autour de 12 questions clés, qui vont de « Faut-il améliorer l'espèce humaine ? » à « Doit-on craindre un « meilleur des mondes » ? », en passant par « le transhumanisme est-il un eugénisme ? » et « L'intelligence artificielle va-t-elle tuer l'homme », pour ne citer qu'elles. Leurs positions divergent ou convergent, c'est selon, en tout cas elles sont argumentées et abordent les problèmes sous leurs différents angles. Il faut dire que Laurent Alexandre et Jean-Michel Besnier ont des profils complémentaires : le premier est chirurgien et spécialiste des biotechnologies et le second philosophe spécialiste des nouvelles technologies.
A la lecture de leur essai, on prend conscience de ce que les progrès récents laissent entrevoir de notre proche futur. Dans le domaine médical, l'ingénierie joue un rôle de plus en plus important, au point qu'on peut s'interroger sur la place qui sera dévolue au médecin, exécutant au service de la machine, incapable sans son aide de trier les innombrables données que celle-ci lui fournira. Quant au patient, son corps est pris en charge, mais « l'humain n'est pas simplement un vivant dont il faut assurer la survie » et cette approche mécanique, qui ne le considère pas dans toutes ses dimensions, ne correspond pas à ce qu'il attend lorsqu'il est soigné.
Pour rester dans le domaine de la santé, la diminution spectaculaire du coût du séquençage ADN va le rendre de plus en plus accessible. de là à vouloir sélectionner en amont le bébé idéal, ce que la fécondation in vitro (qui d'après les auteurs, s'universalisera) permet déjà de manière discrète, puisqu'il s'agit de trier des embryons en éprouvette, il n'y a qu'un pas. Vous avez dit eugénisme ? Revers de la médaille (si médaille il y a), « notre patrimoine génétique a vocation à se dégrader continûment sans sélection darwinienne. Cela veut-il dire que nos descendants vont tous devenir débiles en quelques siècles ? Evidemment pas ! Les bio-technologies vont compenser ces évolutions délétères. » On le voit, une question en entraîne une autre et d'aucuns sont déjà prêts à y répondre à notre place, sans craindre de nous embarquer malgré nous dans un cercle vicieux, voire de nous transformer en cyborgs, ces mélanges composites homme-machine qui nous permettraient de prolonger sans cesse notre vie. Nombre de têtes pensantes de la Silicon Valley, dont certains dirigeants de Google, sont en effet des transhumanistes convaincus, passionnés par l'essor des NBIC auquel ils contribuent. Ils soutiennent notamment le développement exponentiel de l'intelligence artificielle (IA), qui n'est pas sans danger :
« A cours terme, l'arrivée de cerveaux faits de silicium est un immense challenge pour la plupart des professions : comment exister dans un monde où l'intelligence ne sera plus contingentée ? Jusqu'à présent, chaque révolution technologique s'est traduite par un transfert d'emplois d'un secteur vers un autre – de l'agriculture vers l'industrie, par exemple. Avec l'IA, le risque est grand que beaucoup d'emplois soient détruits, et non transférés. Même les emplois très qualifiés ! » Bref, « il faut mener une réflexion mondiale sur l'encadrement des cerveaux faits de silicium ».
On le voit, cet essai tonique, dont je ne vous ai donné qu'un aperçu, fourmille de données et d'interrogations. Nul doute qu'en éclairant le lecteur et en alimentant sa réflexion personnelle, il lui permette de devenir partie prenante de ce qui se joue, c'est la moindre des choses pour des problématiques qui nous concernent tous à plus ou moins brève échéance.
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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