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Critique de elea2020


De même qu'il est difficile d'écrire un livre sur les camps, il est difficile d'écrire la critique d'un livre sur les camps. Ce témoignage est celui d'une jeune Juive qui a été déportée avec sa mère du ghetto de Kovno en Lituanie dans le camp du Stutthof, un des plus terribles camps d'extermination, alors qu'elle avait 13 ans. Son livre autobiographique retrace le parcours suivi par elle et sa famille depuis leur vie bourgeoise confortable à Francfort, jusqu'à la libération, alors qu'avec une poignée de survivantes malades et presque mourantes, elles étaient emmenées en bateau sur les eaux de la Baltique par les Allemands, puis recueillies par un navire anglais.

J'ai apprécié ce récit, mais j'ai eu quelques réticences, et ce pour diverses raisons. Tout d'abord, il nous montre une vision somme toute assez classique de la déportation, du travail inhumain, de la faim permanente (elles étaient nourries de soupe d'épluchures de pommes de terre et un peu de pain), puis rapidement les souffrances d'un état de santé de plus en plus dégradé, avec les maladies, la faiblesse extrême. L'auteure dresse un vibrant tableau d'une humanité totalement déchue, livrée aux plus bas instincts de tueurs sadiques, dans l'indifférence du monde. Je n'ai toutefois pas appris grand-chose que je ne savais déjà, du fait de nombreuses lectures et d'une source directe, mon grand-père maternel, résistant déporté à Dachau. J'y ai retrouvé l'arrivée au camp à la descente des trains, l'angoisse des sélections, les appels interminables, le froid, l'absence totale d'hygiène, presque les "passages obligés" des mémoires de survivants - ce qui en soi est terrible.

Pour autant, le récit de Trudi Birger est très vivant, parce qu'elle se replace dans la peau de l'enfant qu'elle était, elle nous fait voir avec ses yeux, partage avec nous ses sentiments devant l'horreur et l'injustice du sort fait aux Juifs par les Nazis. Nous connaissons le récit de sa jeunesse, le paradis perdu de l'enfance, les premières alarmes, les tentatives de fuite sous la protection de son père, les moments où ils ont dû rester cachés dans des conditions difficiles, puis le ghetto en 1941, là où, dit-elle, elle a perdu définitivement sa jeunesse. Trois ans s'y sont écoulés, puis presque un an au Stutthof et camp de travail : elle a eu le sentiment d'être restée figée dans l'enfance, comme si ces années lui avaient été volées. C'est l'amour mutuel que sa mère et elle se portaient qui leur a permis de tenir, d'espérer, quand tout devenait terriblement sombre et qu'elles frôlaient la mort, à plusieurs reprises. Elle a tout traversé avec cette rage de survivre, de par son tempérament dynamique et son souci des autres, mais aussi par la colère, le sentiment aigu d'injustice, et une forme de résistance mentale - ne jamais accepter l'idée qu'en tant que Juifs ils méritaient ces traitements.

Autant le contenu est dense et émouvant, autant le style m'a un peu tenue à distance, car il m'a paru trop plat. C'est un témoignage et non une oeuvre de littérature, peut-être m'en étais-je fait une fausse idée au départ, toujours est-il que je me suis trouvée un peu déçue.

Enfin, une partie non négligeable relate la fin de la guerre et le départ en Israël. L'auteure paraît soulagée de quitter les non-Juifs pour vivre avec son peuple. Il est logique que l'enfant qu'elle était dans le camp n'ait pu connaître que sa propre expérience, mais il me semble que l'adulte qui raconte son histoire aurait pu mentionner que la déportation n'avait pas concerné que les Juifs. Peut-être y avait-il majoritairement au Stutthof des Juifs destinés à l'extermination et des Polonais ou Ukrainiens criminels de droit commun, mais cela constitue un raccourci un peu rapide.

Il me reste néanmoins l'impression d'une lecture intéressante, instructive et émouvante, d'autant plus que le message d'espoir est très prégnant, la trajectoire de Trudi déborde de vitalité et d'amour, et nous en communique quelques étincelles pour notre vie personnelle. C'est déjà un beau succès.
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