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Critique de EvlyneLeraut


Un premier roman digne d'un génie évident. « Atlantique Nord », né depuis des millénaires, l'océan spéculatif, vagues insistantes, assignées à l'écriture de ce texte sublime. Macrocosme marin, l'encre bleue miraculeuse, l'attention au mot-regard.
Les protagonistes qui déambulent ici, quête-horizon, le tremblant des jours est partance et attente. L'exutoire-embrun, le sel d'un océan qui comprend tout.
Quatre fragments reliés par Romane Bladou. Un périple qui va oeuvrer au port d'attache. « Atlantique Nord » marée-basse stupéfiante , l'annonce du renom littéraire.
Camille prend place. « Cela fait bientôt trois semaines qu'elle est arrivée, au bout du bout, à l'est de l'est comme elle aime à le penser… Dans sa tête elle fait la liste des vagues ».
Terre-Neuve, dans la péninsule de Bonavista où elle travaille dans un café. Elle croise les hasards, les rencontres fortuites, accueille le langage. Les lieux comme des géographies. Dessiner les pourtours qui font battre son coeur.
« Les rochers submergés, anonymes, ce sont ses héros préférés, ceux dont elle ignorait la présence, dont elle ignorait avoir besoin ».
Dresser des listes au cordeau, traversées des eaux, puisque tout est inscrit sur le sable, dans la croisée des chemins. L'émigration intime. « Ici, elle est celle qui marche, avant d'être celle qui pense ».
L'ère des petits riens, apprivoiser les rémanences, « il existe des bonheurs qui gênent et des desserts qui guérissent ».
L'antre Atlantique, apprendre le nom lompe. Symbole de la traversée migratoire, ce cycle d'un par coeur entre les profondeurs océanes, « un poisson à la fenêtre ».
Pas de géant, Camille cède la place à William. Un jeune enfant éveillé, intelligent, intuitif, l'île de Mull en diapason. Un village Fionnphort, à mille mille de toutes terres habitées. Mais Lily (sa mère) « leur dit que leurs maisons sont les premières qu'ils voient à l'horizon, que ces étrangers en vacances à Iona rêvent peut-être de la maison rouge et blanche. » L'autarcie vigoureuse, travailler dans ces landes fouettées par le vent, visage rougie, Lily la combattante, un mari éloigné, faillite parentale, l'absence est un bandeau noir sur l'île, la maisonnée prend l'eau. « Il fait partie du paysage, ses bottes sont des racines et personne n'a le droit de faire pleurer sa fille, pas même un héros ».
Écrire ainsi c'est atteindre les architectures de la vie-même. Images et gestuelles, les existences dentelles et salées. « Atlantique Nord » continue son périple. Il y a toujours le regard affûté de Romane Bladou. Photographe de l'instant et des spéculatives résistances. Elle sait l'heure où tout peut advenir.
Lou, halo dans la nuit noire. L'Islande exutoire. le deuil à fleur de peau. Lou cherche son frère, chute d'Icare en pleine mer. Marine l'amoureuse, la Bretagne ligne de démarcation. Elle lui écrit des lettres. Il ne répond pas. Ce n'est pas l'heure encore.
« Il a passé l'hiver à n'être vivant que cinq heures par jour… Et elle l'attend comme une femme de marin, comme sa chanson préférée ».
Il fait des recherches sur le lompe. Fil rouge de ce livre, lui, le biologiste, il ne se souvient pas d'avoir pleuré comme un enfant. Quête exutoire, la résilience fond-marin, les lettres gorgées d'eau, le silence abyssal. Frère, « dans notre maison Atlantique, il y a une grande fenêtre qui éclaire tout le reste ».
Célia, la boucle de ce récit d'eau et d'espace, d'intériorité et d'initiation, elle la jeune fille funambule sur les eaux, le bac de français à venir, apprendre les textes et s'émouvoir de l'après. Jeune femme en advenir dans une Bretagne signifiante qui interpelle l'essence même des reflets sur l'océan. Les lompes et ses majestueux ballets, elle qui pressent sa voie à venir dans le restaurant des parents. « « Célia pense qu'elle laisse de la place au vide – c'est vaste et plein de promesses. Ces phrases jetées à la mer sont des amorces, des élans ». Réapprendre le langage liane avec sa soeur aînée, suivre les pourtours du monde sur la carte de la vie. L'Islande à portée de vue et le plus beau livre lu en cet hiver prend sens. Les poissons migrateurs, paraboles d'une humanité qui cherche et trouve sa vérité.
Un pur chef-d'oeuvre !
Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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