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Critique de ATOS


Étonnant. Étrange et étonnant. Écrit en 1925, ce conte oriental de Jean-Richard Bloch, est à la fois envoûtant, effroyable, cruel, charnel, et d'une musicalité remarquable.
Saad et Evanthia. Evanthia, celle qui est parfaite, la beauté du royaume... Saad, celui qui triomphe…
L'amour à jamais en un mortel coeurs à corps , imprononçable, irrecevable, et qui dans son impossibilité expulse un possible sanglant mais qui reste toujours merveilleux.
Par un dialogue surprenant , entre deux personnages, Bloch tente la simultanéité du langage. Celui du corps ( parole) , celui de l'âme ( le rêve ), celui de l'esprit ( la pensée) .
Dialogues simultanés qui tentent de faire apparaître l'enchevêtrement les niveaux du langage.
C'est la première fois que je découvre une telle tentative dans un roman.
Mais gardons à notre esprit le conte, versons à notre âme ses maux , et qu'à nos mots nous puissions ôter un peu de leurs ombres.
L'amour répulsion, adoration.
Ne plus s'appartenir , se perdre , se reconnaître en l'autre. Peut être est ce toi même que tu recherches... mais qui est cet autre qui se perd en toi alors que tu tentes de prendre contact, par lui, à travers lui, en lui . Possession, passion, pulsion, déraison. Identification, assimilation.
Mélange des langues, des parfums, des dieux, des peuples, des cultures, mélange des lions, des chiens, des loups. Et puis au jour succéda la première nuit.
Métissage des chairs qui imprègne un parchemin à la manière des parfums d'Orient et qui vous transperce la langue en faisant jaillir une lumière à travers le ravissement d'une gorge ruisselante de fièvre. Chair tribale, chère patrie, chair langue, et mille et un tributs qui se tissent et se mélangent, qui tournent autour des feus qui mordent ou lèchent nos bouches, qui ouvrent ou ferment nos yeux, qui enfantent ou assassinent nos rêves qui embrasent ou bercent nos pensées.
Appartenir. Prendre. Se donner. Se livrer. Ôter. Ravir. Prendre vie , prendre corps, prendre racine. Se nourrir. jusqu'à en mourir peut être, pour être et devenir.
Le pardon est impossible et pourtant Saad et Evanthia dans cette Nuit Kurde se sont follement aimer. Un conte. Un mythe. Une légende. Une tragédie.
A travers la nuit kurde, Bloch explore ce que les mots n'arrivent pas à dissimuler, à détruire, ce qu'ils construisent en nous. Annonce prophétique, certains diront apocalyptique. Moi je ne garderai que le merveilleux.
Il y a toujours un passage où le passé d'un auteur rencontre l'espoir d'un lecteur.
Malgré la nuit, malgré le meurtre, je vois chez Bloch s'élever un langage qui , bien que naissant dans la douleur, le doute, la souffrance, rétabli le chaînon manquant de l'humanité.
Le merveilleux c'est le conte. le merveilleux c'est l'amour de Saad et et Evanthia.
Il n'était pas une fois. Il est depuis toujours, depuis la nuit des temps.
Saad et Evanthia ne vécurent pas heureux, n'eurent aucun enfant. Saad et Eventhia s'aimaient malgré eux, et s'aimeront qu'ils soient la portée d'une louve, des gosses de chiens, des enfants aux dents de lion, des marmots aux yeux implorant la semence des dieux , ils sont des bêtes humaines, non pas bêtes à pleurer, puisque « le poète ne console plus », mais éternellement bêtes à aimer. Et Jamais des bêtes à bon dieu.
Une solitude plurielle qui conjugue l'amour à la folie de la vie. Aucun ne peut survivre à l'autre.
Et si le livre t'enseigne ce qui t'élève ce n'est pas pour que tu le suives, c'est pour que, face à lui, tu te te dresses. Toujours à sa lumière, jamais en son nom.

Astrid Shriqui Garain
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