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Critique de cedratier


« A LA VERTICALE DE SOI » Stéphanie Bodet (Guérin, 295 pages)
On ouvre ce livre parce qu'on aime la montagne, la grimpe, la nature aussi. Quand on le referme, on est en plus tombé sous le charme de l'auteur d'un magnifique livre de lumières, d'un écrivain vraiment entré en littérature, et pas seulement en littérature « de montagne ». Voici un récit autobiographique, un parcours atypique d'une jeune femme plutôt fragile, asthmatique, que les hasards de la vie, sa soif d'aventures, une détermination hors du commun, et un environnement propice vont conduire le long des parois rocheuses, jusqu'à devenir championne du monde d'escalade à 23 ans, puis sur les plus hauts sommets de la planète. C'est l'histoire d'une sensibilité, d'une humilité généreuse, d'une ouverture au monde, à la nature, mais aussi aux humains qu'elle croise dans ses périples montagnards à côté de chez elle dans les Alpes, ou aux antipodes. Nul besoin d'être montagnard ou grimpeur averti pour apprécier ses escalades et ses escapades, même si les familiers des rochers apprécieront à leur juste valeur nombre de passes et le cran qu'elles nécessitent ; le lecteur n'est pas trop noyé dans les aspects techniques de toutes ces grimpes qui se refusent de plus en plus à être des performances, et l'esprit de pure compétition s'estompe. Se dépasser soi sans jamais chercher à dépasser les autres (« La verticale de soi » quel titre magnifique), à l'opposé de certains « récits de montagne » parfois bien élitistes (« -Peut-être est-il bon d'avoir dans son coeur des montagnes sur lesquelles on ne montera jamais. »). Car la montagne de Stéphanie Godet est tout le contraire d'un repli sur un entre soi réservé à un monde d'initiés. Il est question de la beauté de l'escalade comme une mathématique épurée, mais aussi d'amour, d'amitiés (quelles pages exceptionnelles sur le lien avec Sadiya, sa jeune amie marocaine d'un village du haut Atlas). Il est surtout question, profondément, de belle humanité, de sincérité, d'éthique dans son rapport au monde, c'est –à-dire aux humains et à la nature.
Et quelle superbe plume… L'écriture poétique de Stéphanie Bodet ressemble sans doute à ce qu'elle donne à voir d'elle sur une paroi : fine, élégante, simple et forte, sans emphase, elle ouvre des voies aux mots comme elle les ouvre sur des à-pics (« - Au sortir des gorges, la vallée s'épanouit. La rivière se prélasse et jouit de plusieurs lits. » / « - Prise au filet des grands yeux effarouchés, me voici embarquée à la sortie du village. » / « - Il (Arnaud, son mari) s'exprime comme moi j'ouvre des plaques de chocolat, froissant sans vergogne l'aluminium des mots. Et je m'exprime comme lui ouvre les siennes. Avec mesure en en prenant des gants. » / « - Chacun se repliait dans l'ombre, infime à midi, et les tournesols découragés baissaient la tête. » / « - On peut naître, hélas, sans jamais avoir le bonheur d'éclore. »…
Tant de belles phrases ouvrent à Stéphanie Bodet de belles perspectives d'écriture. Et l'on espère vivement un prochain opus, montagnard ou pas.

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