AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de beatriceferon


Bérengère va pouvoir prendre une semaine de vacances en Grèce. Elle confie ses deux enfants à ses parents et pourrait donc partir l'esprit tranquille. Ce n'est pas le cas. Impression de malaise, rêves inquiétants la poursuivent. Et à son retour, le malheur la frappe de plein fouet : son petit garçon a eu un accident. Il est mort. Bérengère se rappelle alors cette terrible question qu'Adrien lui avait posée un peu plus tôt : « Dis, maman, tu crois qu'un jour j'aurai cinq ans ? »
Bérengère écrit ce livre pour expliquer ce qu'elle a ressenti et comment elle est parvenue à surmonter sa douleur. Durant tout le récit, nous n'avons que sa vision. Elle est donc forcément subjective. Aucun autre point de vue ni témoignage ne vient compléter sa narration. C'est dommage.
J'imagine la douleur atroce qu'elle a dû ressentir. Douleur doublée par la culpabilité. Elle n'était pas là quand le drame s'est produit. Et bien plus, elle était en vacances. Je suppose donc qu'elle s'en veut d'avoir pris du bon temps pendant que son enfant mourait. Aussi voit-elle les endroits qu'elle a traversés, Athènes et les îles grecques, comme des lieux sombres, tristes, hostiles et inhospitaliers. Elle se persuade d'avoir fait deux rêves prémonitoires qui lui ont été envoyés par Adrien pour la réconforter. Elle en déduit qu'il a choisi sa mort et que celle-ci était la plus douce possible.
Elle s'en veut de n'avoir pas ressenti d'avertissement au moment où son enfant mourait. Mais, dans la réalité, ce serait trop facile si une sonnerie ou un choc électrique nous avertissait d'un danger imminent. Hélas, il n'en est rien.
Son chagrin est si fort que, pour ne pas sombrer, elle a besoin de se raccrocher à la moindre lueur d'espoir, au plus petit signe. Ce qui me chiffonne, c'est que, à mon avis, elle va trop loin. Elle parle longuement de plusieurs «médiums » qui l'auraient « aidée ». Je ne peux pas croire qu'elle n'ait pas été la proie de charlatans qui profitent de la douleur de ceux qui les consultent pour leur faire avaler n'importe quoi, leur dire ce qu'ils ont envie d'entendre et, bien évidemment, leur soutirer de l'argent. Cette attitude me fâche et me révolte. Par exemple, cette Carnita qui la reçoit « dans son cabinet, un sous-sol près de la Place des Vosges, une sorte de grotte aux énergies bienveillantes », et qui lui fait croire qu'elle a reçu un message de l'au-delà, qui ne peut avoir été écrit par aucune main humaine.
Il me semble aussi que l'auteur ne parle que de sa propre douleur. Elle ne fait qu'évoquer en passant ceux qui l'entourent. Ainsi, sa fille, Prunelle. Elle n'avait que six ans et elle était présente quand on a découvert le corps de ce petit frère qu'elle considérait comme une sorte de jumeau, sur lequel elle veillait avec amour. La première pensée de cette enfant a été pour sa mère : « Qu'est-ce que maman va dire ? »
De loin en loin, l'auteur mentionne son nom, mais ne précise ni ce qu'elle a pu ressentir, ni comment elle a réagi, et surtout, quelle consolation elle a pu trouver, elle. Ce qui me paraît d'autant plus injuste qu'il doit être terriblement traumatisant pour une enfant si jeune d'être confrontée à la mort de son frère.
En quatrième de couverture, le résumé nous promet « une véritable enquête » qui mènera la mère éplorée à « vaincre le non-dit familial et à reconstituer les événements de cet après-midi tragique ». Je n'ai rien lu de tel. Ces mots font penser que la famille aurait sciemment caché des choses à l'auteur. Mais ce n'est pas le cas. D'après ce qu'elle nous raconte, chacun a vécu cette journée de manière différente. La mémoire a transformé certains faits, en a occulté d'autres. Par exemple, selon la grand-mère, une foule de gens se pressaient dans la maison et le jardin, alors que l'ex-mari prétend qu'il n'y avait presque personne, au contraire. Tout le monde s'accorde sur la présence de tel ou tel, mais interrogé, l'intéressé répond que non, il n'était pas là.
Pour ma part, je crois qu'il n'y a pas de « non-dits » car, quand on questionne les témoins d'un accident, il y a autant de versions que de spectateurs. Je ne pense pas que quelqu'un ait voulu cacher quoi que ce soit à la mère effondrée, mais que chacun a voulu lui épargner un surcroît de souffrance. Que faut-il dire, dans de telles circonstances ? Quelles paroles seront consolatrices et quelles autres accroîtront la peine ? Chacun agit au mieux selon sa conscience.
Enfin, j'ai été dérangée par une impression de confusion dans ce livre. Rien n'est construit, l'auteur se répète à de nombreuses reprises.
En outre, je n'ai pas compris l'intérêt du premier chapitre qui n'a rien à voir avec la mort d'Adrien. Ou alors, peut-être y avait-il des ponts, des liens que je n'ai pas perçus ?
Dans ses remerciements, l'auteur cite « Dominique qui m'a aidée avec délicatesse à mettre de l'ordre dans ces chapitres écrits au cours de l'été, alors que j'avais l'impression de me perdre dans un foisonnement émotionnel. » Cette impression de foisonnement, je l'ai pourtant ressentie. Quant à l'ordre, je ne l'ai pas vraiment trouvé.
Mon avis est donc mitigé : j'ai beaucoup aimé l'idée de vouloir aider les personnes en détresse à surmonter leur chagrin, car j'ai moi-même connu plusieurs bouleversements du même genre. J'ai été très touchée par ce terrible drame. J'ai trouvé certains passages très justes et ils m'ont émue dans la mesure où j'ai vécu des choses similaires. En revanche, j'ai éprouvé des difficultés face au style et au manque de rigueur dans la composition. Enfin, j'ai été outrée par l'importance accordée aux prétendus médiums et par la manière dont ils s'approprient la douleur d'autrui et en profitent pour s'imposer et manipuler ceux qui s'en remettent à eux. C'est en tout cas mon ressenti. Mais les gens qu'a croisés Bérengère étaient peut-être animés de meilleures intentions.
Quoi qu'il en soit, je remercie l'opération Masse critique, ainsi que les éditions Flammarion de m'avoir offert cette lecture.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}