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Critique de gerardmuller


LE VISAGE DE DIEU/ Igor et Grichka Bogdanov.
La lecture du passionnant livre des frères Bogdanov est aisée et exaltante ; les chapitres dans lesquels sont exposées avec clarté les théories scientifiques sont avalés à un rythme frénétique en raison d'un style alerte type roman policier, sans fioritures ni recherche.
Ces premiers chapitres ne nous apprennent rien de nouveau que l'on n'ait déjà lu auparavant chez Jean Pierre Luminet, Trinh Xuan Thuan ou Hubert Reeves. Mais tout l'art des auteurs se situe dans la mise en place parfaite des divers éléments que la science nous offre pour expliquer la Genèse : une belle vulgarisation de notions souvent complexes ainsi qu'une belle rétrospective bien documentée de la recherche scientifique avec des dialogues sympathiques. Nos connaissances se trouvent mises en ordre en quelque sorte. de nombreuses anecdotes viennent enrichir le texte, comme celle du concierge de l'observatoire du Mont Wilson. Ce livre se dévore à belles dents et les auteurs s'évertuent à tenter de nous expliquer d'où l'on vient. Au travers de descriptions relativement simples, les auteurs nous rendent plus humains tous ces savants nobélisés qui pour nous, paraissent souvent être des extraterrestres.
Et puis au deuxième tiers du livre, le ton change ; les choses sont examinées et jugées sous un angle plus particulier en considérant en quelques sortes les « rides du temps « comme celles du visage de Dieu si l'on veut faire un peu d'humour. Tout en restant toujours aussi intéressant le récit déploie un anthropisme un peu fatigant. Les auteurs se complaisent alors à affirmer que tout a été calculé à la nième décimale près pour que notre Univers soit ce qu'il est. Mais qui nous dit qu'il n'y a pas eu maints essais avortés auparavant ici ou ailleurs. Une sorte de darwinisme créationniste avec en toile de fond une sélection naturelle aboutissant à ce qui est viable et que nous connaissons, les autres étant retournées au néant. Si celle-ci, la nôtre, n'avait pas abouti, nous ne serions pas là pour nous exclamer que c'est merveilleusement bien organisé. A mon avis, il ne pouvait pas en être autrement pour que l'on puisse en parler. Je ne partage pas l'anthropisme des auteurs et je pense comme J. Monod que le hasard a joué un grand rôle et que le nécessité qu'il en soit ainsi s'impose pour qu'on en parle aujourd'hui. Il est trop facile de dire après coup que toutes ces constantes ont été admirablement bien coordonnées pour que notre Univers existât. Voir La Main de Dieu, voire Son Visage au pied du mur de Planck est un point de vue qui se respecte dans le cadre d'une spiritualité aboutie et ressentie, mais qui dans le cas d'une démarche de vulgarisation scientifique n'a pas sa place. Puisqu'il ne pouvait pas en être autrement pour que nous existassions, il n'y a pas lieu de s'étonner. D'ailleurs les auteurs sous-entendent indirectement qu'il ne peut en être autrement si l'on y regarde de plus près. D'une contingence absolue, ils font une nécessité sans le vouloir. Et ce pour le plus grand bien de ceux qui aspirent à plus de spiritualité qui voient enfin une cause, un facteur de cette création. Mais là, la démarche est curieuse ; je ne pensais pas que le but ultime de la science au pied du mur de Planck fût de prouver l'existence de Dieu en observant les rides spatio-temporelles au sein de l'écho du Big Bang. Je ne peux souscrire à la dérive créationniste des explications des auteurs et à leur mysticisme latent allant crescendo de page en page.
Pour revenir sur les chapitres finaux relatifs à l'information qui sous-tendrait la Genèse, thèse assez intéressante au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler dans ce cadre également qu'il a pu y avoir de bons et mauvais encodages, des tâtonnements, des sélections dont nous ne pouvons pas avoir connaissance Un seul programme a été « retenu », a pu se concrétiser pour donner naissance à notre Univers. Et je me demande s'il n'y aurait pas dans le temps imaginaire d'autres univers potentiels stockés sous forme d'information numérique ou autre … ! Plusieurs encodages supportés par plusieurs singularités initiales peuvent avoir connu l'échec au moment de leur traduction dans le temps réel. Il reste que le concept d'information pour désigner la matière et l'énergie dans le temps imaginaire, ainsi que le concept de champ scalaire sont une voie à explorer très certainement. Mais qui a encodé ???
Il n'y a pas d'effet sans cause écrivent les auteurs ; certes, mais de là à parler de volonté suprême, il y a un pas à ne pas franchir. Je songerai plutôt à une force, plus ou moins aveugle, qui peut connaître des échecs et une réussite, une sorte d'élan cosmique.
Enfin, il est bon de noter que les auteurs en citant Davies, me confortent dans l'idée que l'on peut considérer que les lois de la physique ainsi que les mathématiques ont une existence en dehors de l'humanité, abstraite en somme. L'homme ne fait que créer des outils pour traduire en chiffres et formules toutes ces lois. « Toutes ces lois ont un caractère abstrait, intemporel et éternel. »(Davies)
Par ailleurs, je suis rassuré : le temps existe bel et bien : sans lui, pas d'énergie (page 245)
Pour conclure, je dirai que personnellement j'aurais intitulé ce récit « Genèse » ou alors « Au temps de la création ».
Finalement, un livre qui se laisse lire, mais en conservant un bon esprit critique.
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