AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de daniel_dz


Le thème de cet ouvrage m'a paru extrêmement intéressant et je m'étonne qu'il ne soit pas davantage développé dans les média: « Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l'en empêcher ». Certes, ce sous-titre alarmiste est racoleur et je reviendrai sur ce défaut plus loin. C'est surtout la très claire description du fonctionnement du cerveau qui m'a intéressé, et cela ne se limite pas à nos réactions face aux questions climatiques; l'auteur donne quelques pistes pour le contrer, mais elles mériteraient d'être développées davantage.

Sébastien Bohler explique principalement le rôle du striatum. Il s'agit d'une partie du cerveau humain mais on la retrouve également chez les autres mammifères ainsi que chez les poissons, les reptiles et les oiseaux. Il a un rôle important dans le « circuit de la récompense »: ses neurones charrient du plaisir et de la dopamine, qui module l'impulsivité, en réponse à tout comportement tourné vers la survie. le striatum est également lié au phénomène d'addiction.

Avec le striatum comme acteur principal, « le cerveau humain est programmé pour poursuivre quelques objectifs essentiels, basiques, liés à sa survie à brève échéance: manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d'efforts et glaner un maximum d'informations sur son environnement ». Prenez le temps de relire ces cinq éléments et d'en avoir conscience; vous les reconnaîtrez dans votre vie de tous les jours. Ainsi, acquérir du pouvoir, c'est la soif de croissance, c'est vouloir avoir plus que son voisin; notez que l'important n'est pas d'avoir beaucoup, mais bien d'avoir plus que les autres. le minimum d'efforts se marque dans le fait de favoriser le court terme. La propension à glaner un maximum d'informations sur son environnement, vous la reconnaîtrez dans le côté addictif de certains réseaux sociaux (je ne voudrais pas mettre Babelio dans le même sac :-) ). L'auteur écrit que les réseaux sociaux « ont trouvé une improbable quadrature du cercle. Ils proposent à toute personne dotée d'une connexion Internet ou d'un téléphone d'étancher sa soif de statut social, même sans travail. de cette façon, par le double truchement de la mécanisation et d'Internet, le cerveau humain a trouvé un moyen de satisfaire deux besoins qui semblaient à première vue contradictoires: 1) ne rien faire et 2) se sentir important. Et ce, de manière démocratique et massive, à l'échelle de milliards d'individus. »

Bien entendu, notre cerveau ne se limite pas au striatum: nous avons aussi un cortex. Mais il prend ses ordres du striatum… L'auteur écrit encore ceci: « Lorsque vous vous habituez à avoir tout instantanément, vous perdez la fonction physiologique qui permet de renoncer à quelque chose maintenant au profit d'autre chose plus tard. […] Nous aimons toujours faire des projets, mais si c'est au prix de sacrifices réels dans l'instant, nous ne possédons plus la connexion physiologique nécessaire pour le faire. Si on nous dit: dans quarante ans, 30 % des terres habitables seront submergées, nous trouvons cela moins gênant que de renoncer à nos vacances annuelles aux Seychelles, et surtout à une bonne côte de boeuf dans notre assiette. »

Alors que faire ? Sébastien Bohler lance des pistes dans la dernière partie de son livre mais sans aller bien loin. En gros, il s'agirait de bien prendre conscience du rôle du striatum et d'essayer détourner le circuit de la récompense en amplifiant le plaisir procuré par d'autres actions que celles que le striatum nous pousse à effectuer. Pour cela, l'auteur met en avant la méditation; on en parle beaucoup, c'est à la mode, mais il me semble que cela fait sens ici.

Lorsque j'entends les discours politiques concernant le climat, ou d'autres grands sujets, je trouve que les politiques font comme si les gens étaient parfaitement rationnels, c'est-à-dire comme si seul le cortex dirigeait leurs actions. Je suis un grand néophyte en neurosciences, mais je trouve que la réalité du striatum devrait être davantage prise en compte dans les discours. Je me dis aussi qu'il serait important pour la société de mettre des points pratiques de neurosciences au programme de l'enseignement secondaire, et pourquoi pas aussi de la méditation.

Sébastien Bohler est docteur en neuroscience. J'ai donc a priori confiance dans la validité scientifique du contenu de son livre. Mais d'autre part, il a quitté le milieu de la recherche depuis longtemps pour devenir journaliste scientifique; il est actuellement rédacteur en chef de la revue « Cerveau & Psycho ». Cela se ressent dans le fait que son livre a davantage un ton de journaliste qui cherche des titres chocs qui feront vendre son journal, plutôt qu'un ton purement pédagogique (je caricature pour faire comprendre l'idée). Il faut donc probablement lisser la formulation excessive ou alarmiste de nombreux titres ou paragraphes. Mon modèle serait, dans un autre domaine de neurosciences, « Activer ses neurones » de Steve Masson.

Donc, sans doute pas le meilleur ouvrage sur le sujet. Mais pour l'instant, c'est le seul que j'ai lu et après avoir gommé ses défauts, il reste un contenu digne d'intérêt, qui se lit assez aisément. Si vous avez des suggestions d'autres lectures, je suis preneur. En attendant mieux, je vous recommande cette lecture éclairante, et pas seulement pour notre comportement envers les problèmes climatiques !
Commenter  J’apprécie          277



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}