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Critique de Shaynning


Incontournable Janvier 2022


Je remercie les Éditions Québec Amérique pour l'envoi de ce service de presse à ma librairie.


"Au chaud dans mon coeur" est un nouvel arrivé 2022 dans la collection Petit Poucet, une collection pour le lectorat 7-8 ans, environ, que j'affectionne particulièrement pour la qualité de ses romans. J'estime que nos jeunes lecteurs débutants ne méritent pas moins de bonnes histoires pertinentes et actuelles que les plus vieux, Québec Amérique et ses auteurs/autrices semblent l'avoir bien comprit.


Axé sur le thème de la perte d'un être cher, ce petit roman aborde donc un sujet qui peut sembler lourd, mais qui est manoeuvré avec beaucoup de douceur et de beauté, autant pour le texte que pour le dessin.


Mélodie a 8 ans et est la narratrice de cette histoire, avec ses tournures parfois amusantes telle que "le cerveau est caché en dedans des os de la tête" ( que je vois un lecteur oser appeler ça une "faute"!) Elle est la benjamine de sa famille, composée de ses parents , de son grand frère David, 17 ans, et sa grande soeur Catherine. Un jour, David se fait heurter par un véhicule, alors qu'il se déplaçait en vélo. D'abord plongé dans le coma, il fini par décéder. La petite famille est endeuillée. Ils ont néanmoins fait le choix du don d'organes, pour sauver des vies. Pour la petite Mélodie, il importe de mettre des mots sur les émotions, de cultiver le souvenir de son frère tant aimé et d'être soudés en tant que famille. Ils aménage la chambre de David en espace de lecture, les murs truffés de photos de lui. Mélodie passe aussi du temps avec son ami Zak, qui a un nouvel animal de compagnie. le jeune garçon a pour sa part perdu un chien, dans des circonstances similaires, et se montre très à l'écoute de Mélodie et la laisse même donner tout l'affection qu'elle veut à son chat Lune. Un an après le drame, il lui arrive encore de ressentir des émotions vives au souvenir de son frère, mais parfois seulement. La vie continue et son frère "vit" dans le coeur des membres de la famille, bien au chaud et toujours autant aimé.


Il existe encore un certain "tabou" en jeunesse sur le thème de la mort. Ça rend les parents frileux, un peu comme si on ne voulait pas exposer les plus jeunes à cette réalité. Pourtant, la mort est la seule certitude que nous avons dans la vie et elle ne fait pas sa difficile sur l'âge de ceux qu'elle emporte. La mort nous concerne tous. La seule différence, en ce qui concerne la jeunesse, c'est le choix des mots et la façon de l'aborder.


En Intervention à l'enfance, les spécialistes préconisent la franchise, soit de dire les choses telles qu'elles sont pour éviter toute ambiguïté. Ne pas dire "dormir" à la place de "mourir" par exemple, autrement, on pourrait créer une crainte concernant le sommeil. Dans ce roman, c'est franc et clair. David est "mort". Il est passé par le stade comateux avant, ce qui a rendu les circonstances encore plus difficiles. On a nourrit l'espoir qu'il revienne et cet espoir a été déçu.


Par contre, et là l'autrice a bien manoeuvré, on traite de la suite avec doigté. Parler des émotions est une première chose importante, parler de la personne également. On aurait pu plus parler des différentes émotions plus en profondeur, même, comme la colère, la déni, etc, mais on a la contrainte du format de 64 pages. On voit quand même la progression de l'état émotionnel de Mélodie, c'est très bien.

On aborde même le volet "don d'organe", un élément qui, en effet, sauve des vies. Mélodie y voit même dans ce don un acte héroïque: "mon frère est un sauveur!" J'aime aussi que les personnages aient cette propension à se parler, à cultiver le souvenir du disparu pour vivre leur deuil. Ultimement, l'idée qu'il "vit dans le coeur des membres de la famille" peut être une belle approche. C'est un peu abstrait, mais c'est une croyance qui peut rassurer quand au fait qu'il n'a pas entièrement disparu. C'est d'ailleurs une croyance très cultivée au Mexique, avec l'idée qu'on meurt deux fois: une fois physiquement, une seconde quand plus aucun vivant ne cultive votre souvenir. Je trouve personnellement cette approche plus positive que celle que véhiculait la religion chrétienne, autrefois, au Québec, très silencieuse, froide et quasi punitive. Cette approche permet de continuer à aimer les gens au-delà de la mort, c'est permettre à un beau sentiment de rester vivant. Et cette idée d'espace de lecture avec photos, c'est génial, comme idée! Bien mieux qu'une impersonnelle pierre tombale très loin de la maison - mais là c'est propre à chacun.


J'ajoute que si de nombreux albums jeunesse traite de la mort et du deuil, plus souvent qu'autrement, il s'agit des grand-parents, âgés ou malades. Il est plus rare d'aborder la mort des jeunes, que ce soit un ami, un camarade de classe ou un membre de la fratrie. En ce sens, ce roman aborde donc une mort encore plus "taboue".


Côté illustrations, c'est chaleureux, tout en rondeurs, avec une palette apaisante. L'image de la couverture revient dans le roman, et c'est un excellent choix, que cette ombre du grand frère, alors que Mélodie a la mains porté à son coeur. Ça veut tout dire! Une image qui vaut milles mots, j'adore.

On a également la présence rapide de la zoothérapie avec Lune, un facteur de résilience à ne surtout pas sous-estimer. La présence des animaux et leur formidable instinct en font d'incontournables supports psychologiques et canalisateurs d'émotions . Et qui n'aime pas un bon câlin bien poilu?


Le tout est écrit dans un français très accessible, international ( sans prédominance d'un jargon spécifique de la francophonie), du niveau d'écriture des plus jeunes, dans des termes simples et des phrases courtes.


C'est donc encore une belle réussite pour un membre de la fratrie Petit Poucet, dont l'autrice nous a d'ailleurs donné un autre roman de la collection, "Belle famille, Malik", lui aussi très beau. Dernier petit constat - qu'on ne fera plus un jour parce que sera la norme, espérons-le - le père est caucasien et la mère noire, ce qui donne trois beaux enfants mulâtres! La diversité ethnique mérite encore d'être mentionnée, car ce n'est pas encore au point...mais ça s'améliore beaucoup!


Pour un lectorat à partir de 7-8 ans.

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