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Critique de BazaR


Savoureux premier contact avec Bertolt Brecht.

L'auteur déploie sur scène la vie du célèbre savant du 17ème siècle, Galileo Galilei, avec une petite idée derrière la tête. Il s'agit d'alerter le public sur le fait qu'il existe souvent des conséquences socio-politiques aux découvertes scientifiques qui apriori « se contentent » d'accroitre notre compréhension de l'univers. Ainsi, la Vie de Galilée a été écrite durant l'exil au Danemark de Brecht, après avoir lu dans les journaux l'annonce de la fission de l'uranium par le physicien Otto Hahn et ses collaborateurs. Un tel potentiel entre les mains du régime hitlérien ne pouvait que faire réagir le dramaturge.
Mais si volonté de faire réfléchir le spectateur il y a, elle est judicieusement incorporée dans une pièce vivante et passionnante qui balaie l'ensemble de la carrière du savant italien.

La période vénitienne insiste sur les idées coperniciennes qui visiblement fascinent Galilée. L'auteur tente de les faire comprendre au jeune Andrea – et aussi aux spectateurs – par certaines scènes amusantes, comme celle où Galilée déplace Andrea sur sa chaise autour d'un trépied représentant le soleil afin de lui faire sentir la relativité du mouvement.
Puis c'est la période florentine, bouleversée par des scènes éprouvantes de présence de la peste. Galilée tourne vers le ciel une lunette optique et découvre les montagnes de la lune, les phases de Vénus et les satellites de Jupiter. Autant d'éléments qui devraient foudroyer le modèle cosmique de Ptolémée, mais qui sont loin de convaincre les savants florentins pour lesquels une observation qui contredit le texte de la Bible ne peut qu'être fausse, voire imposée par Satan. Sans parler des réactions de moquerie des moines et des prélats.

Galilée passe par diverses phases. Il suit les conseils (injonctions ?) de l'Église qui souhaite le voir s'éloigner des sujets cosmologiques, puis il cède à sa curiosité, ne peut plus supporter que la Vérité soit ainsi étouffée, décide d'écrire un livre en langue vulgaire afin que chacun sache. Les conséquences sont telles que les avaient envisagées le haut clergé : le peuple réagit en extrapolant les découvertes. Si la Terre bénie par Dieu n'est plus qu'un astre parmi d'autres qui tourne autour du soleil, cela ne signifie-t-il pas que le noble et le prêtre ne sont que des hommes parmi d'autres qui n'ont aucune raison de se trouver au centre de l'univers humain ? La structure sociale entière peut s'effondrer, l'Église perdre son ascendant.
Le peuple italien a-t-il réellement régi ainsi aux découvertes de Galilée ? Ce tollé a-t-il été une répétition de ce que Darwin provoquera deux siècles plus tard ? Quoi qu'il en soit, ce dernier ne se sent pas responsable. Il a dévoilé une théorie cosmologique élégante et efficace, et cela s'arrête là.
Voilà donc pourquoi l'Inquisition va mettre ses ouvrages à l'index, lancer son procès en hérésie et le pousser à abjurer ses découvertes. Galilée aime la vie confortable et la bonne chaire. Il craint l'idée de la torture. Il cède. L'Église le maintient sous surveillance pour le reste de sa vie.

La fin de la pièce montre Galilée qui accepte finalement la responsabilité des conséquences de sa découverte. Il entre en résistance passive et donne une version de ses « Discours » au jeune Andrea, devenu l'élève tellement déçu de la rétractation de son maître, et qui s'en va en Hollande où les idées ne sont pas emprisonnées. Ainsi le savant qui découvre se doit d'envisager les conséquences non scientifiques positives et néfastes de sa découverte. Il se doit de se considérer responsable de ces conséquences, et décider si le jeu en vaut la chandelle. Voilà comment j'interprète le message de Bertolt Brecht.

Un auteur dont je lirai certainement d'autres oeuvres. Peut-être Mère Courage et ses Enfants qui se passe durant la guerre de Trente Ans.
D'ici-là, j'aurai la joie d'aller voir la Vie de Galilée sur scène, à la fin du mois.
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