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Critique de Annette55


Ce livre est une petite merveille délicatement ciselée, une agréable fiction historique,alerte et convaincante, faite de passion et de vengeance que l'on ne lâche pas....
Où on danse la "gigue" sur les quais de Nantes la belle, à l'ombre de la Clarisse, un brick amarré au port, qui a vraiment fière allure..voiles ferlées, bas sur l'eau tant il est chargé, gueules de canon qu'on devine dans l'ombre des sabords peints de noir rehaussé de rouge....figure de proue drapée de sa pudeur...
Mais venons en à l'essentiel, nous sommes à Nantes, le 3 nivôse de l'an II: 23 décembre1793 sur la grève de Chantenay
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"Pour achever tout ce qui reste en Vendée",le commissaire de la révolution: Jean- Baptiste Carrier doit " démiphitiser" la ville: la désinfecter sans état d'âme aucun.
Cela s'appelait " le fleuve révolutionnaire" ou " la baignoire de la république".

On liait les mains aux gens et on s'employait à les jeter nus dans la Loire, un spectacle devenu routinier...indifféremment.....les nobles aux perruques poudrées,les prêtres réfractaires, les nonnes, les faux brigands,les réfugiés vendéens.
Parmi ces malheureux condamnés à mort se trouvent le comte et la comtesse de Neyrac, propriétaires du domaines de Gibraye, parents de Lucile , petite fille de12 ans et de son petit frère Théo.
Lucile, miraculeusement épargnée décide de ne jamais oublier " le bourreau" qui n'a pas détaché la corde des poignets de sa mère: le bien nommé Chevalier de Préville et de venger ses parents.
Elle coupe ses cheveux, se déguise en garçon,culotte de drap sombre, rêche et simple chemise, retrouve dans les décombres du domaine de Gibraye,saccagé,
la chaîne précieuse de sa mère aux maillons simples et la chevalière de son père.
Nantes :août 1796 : Carrier a été guillotiné, on danse place du Bouffray, là où on guillotinait.
On a aboli l'esclavage "en principe" s'entend.
Les vêtements caressent les toilettes s'ils ne les habillent pas vraiment, les corsets ont été abandonnés au nom de la liberté, après les contraintes de la peur constante, on se laisse aller au grand débridement. L'auteur décrit avec grand talent les nouvelles moeurs, les vêtements, la nourriture, où l'on croise des gens des deux sexes outrageusement fardés.
L'argent circule,on retrouve Lucile, elle a passé quatre années à survivre dans la rue en chapardant et en s'adaptant...aux côtés d'Awa, ancienne esclave noire inhumaine et dure, ayant tellement souffert, de Lambert au visage d'ange, taiseux ,voleur et resquilleur, de Louison,l'appât , jouant le rôle de mendigote, pauvresse incitant à la pitié.
Ils délestent le monde et se partagent les bénéfices.
Revêtue de son uniforme de voleuse, culotte masculine, chemise stricte,cheveux retenus,Lucile pratique la maraude. Elle même ne vole pas elle laisse la besogne à Lambert et à Awa.
La haine et la vengeance l'animent toujours, réfugiée dans un théâtre,où elle assiste à un ballet,spectacle qui l'enchante, sauve Madame Flavie, sous maitresse d'une "maison close"...de l'incendie qui s'est déclaré.
Elle est recueillie et traitée comme une princesse, on fait connaissance des prostituées qui obéissent, qui racontent leurs prouesses, Isis l'égyptienne,Alméria, l'espagnole,Cléophée la blonde,protégées dans cette maison car l'insécurité règne partout....
Lucile s'échappe et rejoint l'hôtel de Villestreux, prés de lîle Feydeau,où elle est traitée en reine par le chevalier de Préville, il devance ses désirs,elle finit par trouver aimable le bourreau de ses parents ce qui est un comble...je n' en dirai pas plus...mais les aventures continuent....

Le temps est venu où Joséphine de Beauharnais épouse civilement Bonaparte...
Où l'on côtoie dans cet ouvrage Surcouf dont on dit:"que cet hommes a de l'eau de mer dans les veines".
Où l'on côtoie madame de Louét , autrefois emprisonnée aux Carmes,se rappelant avec angoisse avoir entendu son nom épelé dans la liste" des raccourcis du jour".
Où l'on parle des bateaux qui sommeillent dans le grand port de Nantes, avec leurs bois qui craquent et les aussières qui soupirent, où l'on parle des manufactures de cordage,des chantiers navals,des magasins pour les pompes et goudrons,des fabriques de toiles indiennes, de navires négriers, de la massive Thémis, un trois - mâts de trente métres alourdi de café et de sucre, cacao, indigo, coton, roucou, rossolis, eau de vie de sucre et de grains....
C'est un ouvrage captivant, alerte, au souffle haletant,où l'auteure, bretonne comme il se doit se révèle une historienne, grande connaisseuse des mets de l'époque, du climat social, des quartiers mal famés aux hôtels bourgeois, des horreurs de la terreur aux futilités des riches, des misères du petit peuple de l' après révolution, des turpitudes liées aux activités d'un grand port...
Je remercie chaleureusement l'opération masse critique, les Presses de la Cité et la Collection Terres de France pour l'envoi de ce livre vif, prenant et bien documenté...














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