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Critique de Colchik


Avec Louis Bromfield, les couleurs chatoient, les odeurs se distillent dans l'air, les sons parviennent à nos oreilles : sur la passerelle du navire, nous humons « le fumet de Bombay », nous voici un peu plus tard embarqués dans un train qui traverse le plateau du Deccan, notre taxi se fraye un passage dans les ruelles d'un faubourg pouilleux et nous croisons une étrange procession, nous pénétrons dans le bar du Tadj Mahal, rempli du bruit des conversations des clients et de la fumée de leurs cigarettes, nous descendons les marches de marbre d'une terrasse pour nous enfoncer dans un jardin odorant et silencieux. L'écriture de cet auteur nous restitue immédiatement un décor, une ambiance, une situation.
Mais le talent de Bromfield est aussi de se glisser dans la psychologie de ses personnages. le séduisant Bill Wainwright revient à Bombay au cours d'une tournée d'inspection des bureaux de la firme paternelle. Derrière la façade avenante de l'Américain riche et insouciant, se cache les doutes d'un homme qui se sait faible, facilement emporté par son goût de la fête, incapable de donner une direction à sa vie et de prêter une attention sincère et profonde aux autres. Il retrouve à Bombay son ex-femme, Carol Halma, qui dilapide ses derniers fonds sur les tables de jeu de la ville tout se prêtant à la mascarade de fiançailles avec un riche Parsi, Botlivala. Carol boit trop, dort peu et oublie la vacuité de son existence présente en fréquentant les fêtards et les parasites qui recherchent quelques sensations fortes dans le petit monde des personnalités en vue de la colonie.
Mais, étrangement, plus elle se sent mal auprès d'eux, plus elle retrouve de sa personnalité d'autrefois auprès de Homer Merrill. Ce dernier est venu à Bombay pour accompagner son jeune fils qui doit partir pour les États-Unis et pour faire opérer son protégé, Ali, par un confrère du colonel Moti, le directeur de l'institut des maladies tropicales. Merrill est un homme épuisé physiquement et nerveusement par son travail auprès des paysans du Deccan et par la solitude profonde qui l'entoure. le départ de son fils fait encore plus vaciller l'esprit de ce veuf plein de compassion pour ses compagnons de misère, mais incapable de se reconstruire après un mariage castrateur.
Bill Wainwright a partagé ses années d'université avec Homer Merrill. Il décide de le prendre provisoirement sous son aile, il décide aussi de renouer avec Carol, toujours attiré par sa beauté, mais de plus en plus par la vitalité qu'il découvre en elle sous ses dehors provocateurs. En fait, il tombe amoureux de la femme solide et courageuse qu'elle révèle en soignant Buck Merrill.
Louis Bromfield nous fait découvrir la complexité de ses personnages en les dépouillant peu à peu de leur image première et en les confrontant à des situations qui les amènent à découvrir leur personnalité profonde. Bill Wainwright va petit à petit abandonner le « patachon » qu'il était, sa superficialité pour une vraie générosité. Carol se dépouille de ses bijoux et des artifices du charme pour devenir une femme forte, volontaire, maîtresse de sa destinée et non plus portée par les désirs des autres. Quant à Buck, il apprend tout simplement la sensualité, le goût du bonheur partagé.
Tous ces protagonistes sont entourés d'une foule de personnages secondaires pittoresques. Fausse baronne, joueurs invétérés, ancienne courtisane, maharadjah viveur... pour la plupart, ils servent de toile de fond sur lequel le trio central se détache. Plus ils s'enfoncent dans leur monde interlope, plus nos héros se détachent d'eux jusqu'à ce que la rupture soit consommée : Bill quitte Bombay et Carol et Buck partent pour Jellapore afin d'aider à l'émancipation des paysans.
Ce roman a sans doute quelques côtés désuets en nous replongeant dans l'Inde coloniale, mais je suis à peu près certaine que la faune qui fréquentait le Tadj Mahal à l'époque le hante encore aujourd'hui, sous des apparences plus actuelles.
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