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Critique de tilly


tilly
04 novembre 2023
Qui dit roman policier dit indices.
Même pas besoin d'ouvrir le livre d'Alain Bron pour découvrir le premier, celui que délivre la très belle couverture arrangée par l'artiste Jacques Blanpain à partir d'une photo du réfectoire de l'asile psychiatrique de Clermont-de-l'Oise (circa 1935).
C'est dans l'annexe de cet hospice que Séraphine de Senlis mourut misérablement en 1942, comme de nombreux autres patients internés sous l'Occupation, là et ailleurs en France. La photo est sombrement évocatrice du dénuement macabre dans lequel "on" les avait laissés.
Le titre-jeu-de-mots dévoile la clé principale (mais pas la seule) de l'intrigue : la vengeance !

Qui dit roman policier dit enquêteurs, victimes et suspects, mais celui-ci n'a rien d'un whodun'it à la Agatha Christie !
Parce qu'on sait très tôt qui l'a fait et pourquoi ! Mais pas comment...

Pierre Fontaine, 92 ans, est un ancien de la CII, résident d'un ehpad dans l'Oise ; ayant encore toute sa tête, il profite autant qu'il peut de son temps de “solitude agréable” pour peaufiner son “grand projet”.
C'est aussi dans l'Oise, à Trumilly, qu'un meurtre horrible vient d'être découvert : un retraité égorgé dans son jardin à l'aide d'une baïonnette de la seconde guerre mondiale.
Au 36 quai des Orfèvres (on est en 2017, quelques semaines avant le transfert de la PJ dans le 17è), l'équipe du Commissaire Gérôme Berthier est chargée de l'affaire de Trumilly.

Au début, les scènes très courtes alternent façon essuie-glace ; on passe rapidement de la Résidence des Pinsons (l'ehpad de Pierre) aux bureaux de l'équipe du commissaire Berthier, et retour.

On fait ainsi vite connaissance avec la petite cour de fidèles cacochymes qui se rassemblent autour de Pierre : la douce Denise et ses ressassements infantiles, Roger le bricoleur mythomane collectionneur de ressorts, Georges l'informateur de couloir fomenteur de petites rébellions. On partage leurs petites manies et leurs soi-disant activités récréatives : le loto, le scrabble, la télévision.

On pourrait croire que les forces et les moyens sont déséquilibrés entre les deux “équipes”, celle du commissaire et celle de Pierre Fontaine, mais pas du tout ! Nous — lecteurs qui avons quelques longueurs (quelques pages) d'avance — ricanons quand les lieutenants de Berthier partent sur de fausses pistes et s'enlisent malgré leurs méthodes bien rodées mais pas infaillibles. On sourit quand “ils brûlent” par hasard grâce à l'intuition d'un jeune stagiaire un peu trop fougueux et gaffeur.

Le commissaire Berthier est un as de la gestion du temps, de la conduite de réunion... Un peu moins doué pour ce qui est de sa vie privée : cinquantenaire, divorcé, workaholic.
Un peu malgré lui, sa rencontre inopinée avec la belle Carole va lui redonner un peu de légèreté et de sensibilité.
De même que sa coopération avec l'enthousiaste Cédric, étudiant en droit, stagiaire coaché par Paule, la documentaliste du groupe.

Alain Bron ne manque jamais d'envoyer des piques bien senties, gentiment moqueuses, ciblant nos petits (et gros) travers sociétaux !

Jusqu'ici j'ai pas mal insisté sur l'humour pince-sans-rire d'Alain Bron, mais il n'occulte jamais la colère et la rage qu'on trouve aussi dans Faim de parcours.
Sans dévoiler l'intrigue plus que ne le fait la quatrième de couverture, il y a au coeur du roman une évocation précise et documentée de la période dramatique de l'Occupation allemande dans la région picarde ; en particulier la situation dans les hôpitaux abritant ceux que l'on disait fous et inutiles, qu'on a laissés mourir de faim et de manque de soins, dans des conditions cauchemardesques, sous prétexte que les restrictions tout autour empiraient et ne laissaient rien pour eux. Les responsables n'ont jamais été poursuivis, même pas pour non-assistance à personnes en danger. Agents de l'Administration française, préfet de région, cadres hospitaliers, tous ont été épargnés, leurs supérieurs également, jamais inquiétés dans aucun scandale sanitaire. On a tiré le tapis sur leur insensibilité, leur bêtise, leur violence froide.
Sans justifier franchement les actions vengeresses de son personnage, l'auteur fait clairement pencher la balance de la culpabilité du côté des édiles passées, aujourd'hui inatteignables si ce n'est par la fiction.

J'ai pas tout dit, mais c'est exprès !
Je vous souhaite tout le plaisir que j'ai eu à la lecture de ce roman multi-genres (noir, polar, historique, territorial), et le plaisir de retrouver l'imagination, la verve, l'humour et l'empathie d'Alain Bron. Vivement le prochain.

Lien : https://tillybayardrichard.t..
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