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Critique de LeScribouillard


Quand vous allez sur Internet et que vous cherchez de la musique électronique, vous êtes engloutis par un tas de définitions et de sous-genres apocryphes, des guimauves de Mr Suicide Sheep mièvres à en gerber (tout l'inverse de la qualité de ses artworks), les chefs-d'oeuvres de The Fat Rat comme les répétitifs et innombrables hits de Vexento, des geekeries des plus crasses ou la vénération du minimalisme, de l'amour, de la mort et (surtout) de la drogue, tant et si bien qu'il vous est impossible d'établir une idée claire et directe. Et dès que vous sortez d'Internet pour passer au philtre de la publication sur papier votre documentation, vous vous rendez compte que le nombre en France est comparable à une peau de chagrin. Pire encore, dès que vous en parlez à un ami ou un proche, il vous offrira une incompréhension gratifiée d'un total mépris de la chose dans son ensemble (un luxe qui d'habitude n'est réservé qu'à la SFFF).
"Modulations", c'est quasiment le seul bouquin sur le sujet qu'on puisse trouver en France. Complet, rédigé par un collectif d'amateurs et accompagné d'entretiens de compositeurs et de DJ, et pourtant il a lui aussi des bémols (des bémols, la musique... vous avez compris ? *long silence très gêné interrompu par un toussotement*).
Expliquons les quelques broutilles qui ont causé mon désarroi. L'ouvrage est certes complet, mais il s'agit avant tout de vulgarisation, qui plus est dans une optique joyeusement iconoclaste, autrement dit on ne se penchera pas énormément sur les sous-genres, pas même sur la trance qui y est considérée comme un simple dérivé de la techno. Dans le même registre, la place du trip hop est un peu oubliée, mais, bien plus grave, le fait que le livre date de presque deux décennies (VO en 2000, première sortie en France en 2004) ne nous donne pas un panorama des genres qui se sont faits connaître entretemps ou de ceux qui sont trop ignorés du public : ne comptez pas dessus pour avoir une définition du dubstep, du trap ou de la glitch hop, par exemple. Dieu merci, le skweee est lui aussi laissé de côté (quoique... j'en écoute en ce moment même et finalement il n'y a pas que de la merde...).
Toujours à cause de son ancienneté, une ou deux informations sont à présent un peu périmées. On nous apprend au glossaire page 303 que Moby a réalisé le morceau le plus rapide de l'histoire à 1000 BPM (battements par minute, unité définissant le tempo). En son temps, oui, mais plus maintenant ! L'extratone, genre cauchemardesque, immonde et tonitruant, mais bon défouloir, peut aller jusque dans les 3600 BPM, dites-moi si je me trompe. Mais il y a plus flagrant : j'ai failli halluciner en voyant la définition des smileys dans un livre en 2017.
Et puis, "Modulations", c'est l'histoire de gars qui vivent dans les bas-quartiers, qui fument, qui se droguent, qui vont à des raves où ils gueulent et ils boivent, qui se font parfois dicter leur conduite par les lois du succès, qui se concurrencent, qui baisent, qui rebaisent, et qui baisent des robots et des extraterrestres à tel point qu'ils se mettent à composer du sexstep. *Nouveau silence très gêné - c'est vraiment mon jour, aujourd'hui !*
Mais "Modulations" c'est avant tout l'histoire de gars qui veulent quelque chose de nouveau, qui créent des genres, qui en approfondissent d'autres, qui expriment leur sensibilité musicale ou qui veulent aller toujours plus loin dans la frénésie de la danse, qui ont une soif d'absolu à jamais inassouvie et qui livrent leur éternel combat contre les labels des grosses maisons de disques. C'est toujours avant-gardiste, c'est toujours imaginatif, c'est toujours un aller vers l'avant, au rythme des claviers et des synthétiseurs, qu'on nous décrive la musique au lieu de nous la faire entendre n'atténue en rien. le fait que ce soit écrit à plusieurs apporte quelques redites, mais donne occasionnellement des changements de tons jamais désagréables, et toujours sur le ton de l'humour et de la franchise. Au final, s'il y avait un défaut majeur du livre, c'est de ne pas décrire les musiques aussi bien que leurs morceaux, ce qui fait qu'on n'est pas toujours totalement fixés. La différence entre l'ambient et le downtempo ? Toujours aussi floue ! Celle entre la jungle et la drum and bass ? On considère qu'il s'agit strictement de la même chose sans s'étendre sur pourquoi certains dissocient les deux genres. Celle entre le krautrock et le rock psychédélique ? Pour ce cas, c'est peut-être aussi parce que je n'en écoute pas, mais ce n'est mentionné à aucun endroit. Cela dit, ça reste un bon guide malgré tout, qui nous livre une imposante discographie pour que nous puissions le découvrir par nous-même.
Pour conclure, tout n'a pas été dit, non loin de là ; mais nous avons déjà le terreau pour les futurs auteurs français voulant à leur tour se lancer dans le sujet. Reste à planter l'arbre.
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