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Critique de Cricri124


J'ai déniché ce livre, qui a rudement vécu, dans une boite à livres. Ce qui a aiguisé ma curiosité en feuilletant l'introduction, c'est qu'il a été écrit par un missionnaire catholique. Je ne savais pas que les populations de l'Arctique avait également fait l'objet de tentatives d'évangélisation et encore moins qu'une compétition avait existé entre missionnaires catholiques et anglicans. Tentatives, car convertir un Inuit est loin de signifier le faire adhérer. Et l'auteur, le Père Buliard, l'a bien compris.

Le père Buliard, que les Inuits surnomment le Falla (le Père), ou plus communément Longue-Robe, appartient à la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée (OMI). Il a vécu parmi et comme les Esquimaux du Cuivre de 1934 à 1948. (Depuis, ils ont été rebaptisés Inuits du Cuivre, le terme d'Esquimaux étant jugé péjoratif ; c'était celui utilisé par leurs ennemis les amérindiens pour les désigner et qui signifie « mangeurs de viande crue »). Son "terrain de jeux" se situe aux alentours de la Terre de Victoria au nord du Canada.

La première partie décrit sans complaisance et avec moult anecdotes (plus ou moins dramatiques d'ailleurs) le mode de vie particulier de ce peuple nomade, ses croyances et coutumes, leur rapport à la mort, les techniques de chasse. Ah ! la chasse au nathek (au phoque) : tout un art de patience et de mine ! Ce n'est cependant pas le club Med. Certaines pratiques sont cruelles. le sort de la femme n'est franchement pas enviable par exemple. Mais c'est vraiment intéressant et fascinant. J'avais déjà lu des ouvrages, principalement sur Groenland, et j'ai encore découvert plein de trucs. La seconde partie en revanche est nettement moins palpitante car majoritairement dédiée aux missionnaires qui l'ont précédé et ceux qu'il a côtoyé.

Le Père Buliard a réellement cherché à comprendre les Inuits. Il est conscient que les "civiliser" trop brusquement et n'importe comment pourrait s'avérer plus néfaste que bénéfique. Il met aussi en garde contre les besoins et servitudes que génèrent les Grands-Sourcils (les Blancs).

Mais, mais... on le sent aussi tiraillé entre sa sympathie et son admiration pour ce peuple qui a su s'adapter à des conditions de vie extrême et « ses tares et ses défauts » si contraires à ses convictions. S'il est plus pondéré dans la première partie, plus compréhensif, et tente de rester objectif, dans la deuxième partie en revanche, le jugement moral prend de plus en plus le dessus. Ce qui est le plus dérangeant à mes yeux c'est cette supériorité morale qu'il affiche, parfois j'en suis sure, sans en avoir conscience.

Un exemple parmi d'autres de la manière dont il considère les Inuits : « Ce sont des primitifs, à l'intelligence brute, non développée, incapable de comprendre nos concepts abstraits, surtout religieux. Quant à les voir accepter notre morale, il ne faut tout de même pas oublier que ces pauvres gens ont derrière des siècles de paganisme, d'amoralité, d'animalité même, si j'ose dire. »

Ce genre de propos me hérisse toujours le poil. Je relativise malgré tout car il s'est aussi efforcé à d'autres reprises de mettre en avant les mérites de ce peuple quand bien même cela heurtait ses convictions.

En conclusion, une lecture plaisante et instructive d'autant plus intéressante qu'elle est abordée sous un angle de vue moins fréquent : celui d'un missionnaire catholique. Si l'écriture a un peu vieilli et use un peu trop à mon goût de points d'exclamation et de suspension, elle est aussi parsemée de mots et expressions inuits qui la rendent vivante. Quelques photos d'époque viennent également agrémenter ce récit et, très utile pour suivre les déplacements, une carte du Grand Nord Canadien a été ajoutée …

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