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Critique de Kirzy


Kirzy
15 février 2021
Le roman s'ouvre sur la découverte du corps supplicié d'un enfant, puis le démarrage de l'enquête s'ensuit. L'intrigue est parfaitement maîtrisée, avec un scénario tentaculaire aux nombreux embranchements, rempli de nombreux personnages tous complexes à l'image d'un des flics, à prime abord détestable, qui révèle progressivement un autre visage lorsque son identité profonde apparaît. Les personnages féminins sont particulièrement intéressants dans leurs multiples facettes qui floutent les frontières entre le Bien et le Mal, loin de tout manichéisme.

Polar donc. Polar historique surtout puisqu'il se situe en janvier 1898, à un moment charnière de la IIIème République, en pleine affaire Dreyfus. le 10 janvier le commandant Esterhazy, le « vrai » traître, comparaît devant un tribunal militaire. le conseil de guerre prononce à l'unanimité son acquittement.  Le 13, retentit le célèbre J'accuse de Zola, un électrochoc qui secoue la République au point de la faire sombrer dans une quasi guerre civile. le nationalisme se déchaîne, l'antisémitisme se décomplexe et sévit dans toutes les sphères de la société, y compris dans les rangs de la police.

Le risque avec les polars historiques, c'est souvent de plaquer une reconstitution ripolinée et lourdaude. Gwenaël Bulteau est lui parvenu à reconstituer le Lyon de
la Belle époque sans clichés et avec qualité. Dans La République des faibles, les belles moustaches sont pleines de boue et de sueur. le récit colle au plancher, au plus près des personnages, bourgeois, prolo ou flics. L'écriture, précise et très visuelle lorsqu'il s'agit de décrire les avancées de l'enquête, se fait crue pour dénoncer l'injustice des inégalités sociales. Peut-être aurai-je apprécié que l'arrière-plan socio-politique soit encore plus utilisé pour encore plus l'ancrer dans cette passionnante période.

Ce que décrit le roman est terrible : enfance martyrisée, femmes maltraités, ouvriers rabaissés. le titre résonne de façon presque ironique tant la IIIème République, qui a pourtant érigée fin XIXème siècle de le concept de « République des faibles » censé protéger les invisibilisés, s'est dévoyée : les faibles boivent en fait le calice jusqu'à la lie, les autorités cherchant avant tout à préserver l'ordre établi de la société bourgeoise et à arrêter les agitateurs socialistes. Les faibles ne peuvent compter que sur quelques individualités prêtes à se dresser pour que la machine judiciaire se mette en branle pour le meurtre d'un enfant, ce qui n'était pas le cas à cette époque lorsque l'enfant était de basse extraction sociale. Ses accents naturalistes à la Zola sont vraiment pertinents.

Un premier roman très prometteur, sur les traces d'un Hervé le Corre, la référence absolue en matière de polar historique à vocation sociale.
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