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Critique de Franz


Le lecteur d'aujourd'hui peut être indifférent, ennuyé, voire irrité par le savoir livresque d'un humaniste religieux du XVIIe siècle. Il peut aussi goûter à l'art de la digression et accepter de "se hausser jusqu'à ces orbes éthérés et ces sphères célestes". L'éditeur Mille et une nuits propose un avant-goût du Traité de la mélancolie de Démocrite le Jeune alias Robert Burton (1577-1640). Il aura fallu attendre l'an 2000 pour que les éditions José Corti publient la traduction intégrale par Bernard Hoepffner de la dernière grande encyclopédie de la Renaissance admirée par Lauwrence Sterne, Keats et plus encore par Herman Melville.
Face à l'avalanche des références (Plotin, Platon, Aristote, Sénèque, Kepler, Copernic...), à la multitude des sujets abordés, la curiosité est piquée, la mémoire emballée. Qui sont Elias Artifex et l'Icaroménippe de Lucien ? L'auteur aborde dans ces 70 pages au format mini poche le sens des vents, la hauteur des montagnes, la consistance du noyau terrestre, la course de l'eau, la migration des oiseaux, la taille des étoiles, le mouvement des sphères célestes, le climat, la diversité humaine, animale, végétale, les phénomènes météorologiques... et l'emplacement de l'enfer. Burton ne brasse pas que de l'air. Il expose les théories physiques connues à son époque, les oppose et trace une voie médiane. Les étoiles sont-elles au nombre de 1026 selon Bayer ou innombrables d'après Galilée ? "L'un dit que le Soleil est immobile, l'autre qu'il se meut." Quand Burton se sent dépassé et ne sait trancher, il s'en remet à la sagesse divine. Certaines interrogations ont une curieuse résonance. Tout finira-t-il par "couvrir de sable et de cendres le vaste océan et par l'assécher" ou bien "la mer finira par effriter la terre et le globe terrestre tout entier sera recouvert d'eau" ?
Robert Burton est intrigant quand il se penche sur la mélancolie qu'il convient de guérir en rectifiant l'air. Un air serein équivaut à une humeur gaie. "Selon l'état de l'air, les habitants sont stupides, lourds, pleins d'esprit, subtils, sains, propres, grossiers, malades ou robustes." "Dans le Périgord, l'air est subtil et salubre... les hommes y sont agiles et vigoureux" mais dans "certaines parties marécageuses de Guyenne, les gens sont stupides, lourds..."
Enfin, dans cette courte subdivision de L'anatomie de la mélancolie, sont évoqués l'importance de l'implantation de la maison, la présence des baies vitrées, les parfums améliorant la qualité de l'air (fleurs d'oranger, peau de citron, romarin, clous de girofle, laurier, benjoin...), les couleurs environnantes, la propreté des pièces.
"Il n'y a pas de meilleur remède pour un homme mélancolique que le changement d'air et la diversité des lieux, les voyages loin de chez lui..." Changer d'air pour éviter la mélancolie mais aussi compiler le savoir de tous les temps, s'évader par l'esprit et avancer par "sauts et gambades" à travers les spéculations et les digressions. En s'accaparant les connaissances antiques et en les brassant avec celles de son temps, Robert Burton n'est pas seulement moderne. Il est universel.
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