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Critique de Ys


Ys
19 décembre 2017
Palerme, 1677. Depuis un bon bout de temps et pour encore plus d'un siècle, la Sicile appartient à l'Espagne qui y règne par l'intermédiaire d'un vice-roi. Or, le vice-roi dont il est justement question ici est malade - si malade qu'il rend l'âme en plein Conseil, laissant porte grande ouverte aux magouilles peu reluisantes de ses dignes seconds. Il faut dire qu'en ce temps-là, plus encore que l'Espagne, c'est la corruption et la débauche qui régentent l'île depuis sa capitale.
Mais la porte ouverte, en réalité, ne l'est peut-être pas tant que ça. Car le défunt a laissé un testament derrière lui. Un bien étrange, bien stupéfiant testament, qui transfère sa charge directement... à son épouse. Une femme, vice-roi ? Eh oui. Sort soudain de l'ombre une beauté stupéfiante, dont l'apparente froideur désarçonne, dont la tranquille assurance inquiète, et qui ne va pas tarder à faire quelques remous dans les sphères du pouvoir, voire même bien au-delà. Car la garce, en plus d'appartenir au mauvais sexe, est fermement résolue à coller un bon coup de Kärcher dans les écuries d'Augias, remettre à leur place (soit derrière les barreaux) ceux qui ont abusé de la faiblesse de son mari, venir en aide aux plus nécessiteux, rendre justice en somme. Et, passez-moi l'expression, elle possède sous une jupe de velours la paire de couilles en acier trempé que recquiert ce genre d'ambition.
Le duel, bientôt, s'engage, à armes dissimulées et grands rebondissements. Qui, de la noble dame ou des fourbes conseillers, finira par l'emporter ? L'une comme les autres ont plus d'un tour dans leur sac pour se débarrasser de l'adversaire et le jeu, dangereux pour tout le monde, promet d'être serré.

A partir d'évènements historiques avérés mais quasi oubliés et très peu documentés (le bref règne d'Eleonora de Moura sur Palerme), Andrea Camilleri brode un roman historique assez réjouissant, avec des méchants infâmes à souhait et une héroïne magnifique qui incarne avec beaucoup de charme l'idéal justicier. Pas le plus subtil du point de vue de l'analyse des caractères, sans aucun doute, mais le mélange de suspense et de dualité manichéenne fonctionne extrêmement bien et c'est un vrai plaisir de suivre les mille intrigues retorses qu'imagine tout ce beau monde pour arriver à ses fins. D'autant qu'Eleonora, aussi idéalisée soit-elle, est indubitablement attachante sous le masque impassible de la femme de pouvoir.
Ajoutons à cela beaucoup d'humour, de fantaisie et un style... un style, ma foi, auquel j'ai eu bien du mal à me faire, qui peut être considéré aussi bien comme une des forces du roman que comme sa plus évidence faiblesse. Force, dans le sens où le mélange des langues et l'introduction de nombreux termes de patois ancien (que la traduction française interprête de son mieux) donne beaucoup de verdeur et d'originalité à la langue. Faiblesse, parce que cette langue "à la manière de" sonne d'emblée un peu artificielle, parce que, surtout, ces termes très typés reviennent trop souvent, toujours les mêmes pour dire la même chose, d'autant plus redondants qu'il est difficile de les ignorer, jusqu'à apauvrir une langue qu'ils étaient censée enrichir. "Avoir les jambes en tiges de violette", c'est une expression formidable en soi, mais lorsqu'on nous la ressort à chaque fois qu'un personnage se sent faible (et c'est souvent le cas !), on commence à avoir l'impression que l'auteur manque de vocabulaire ou d'imagination - et ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.
L'intrigue toutefois est asez entraînante pour passer outre ce détail. Passé un premier temps d'adaptation et malgré quelques grincements de dents occasionnels, il devient assez difficile de lâcher ce petit roman savoureux, qui donne aussi bien envie d'en savoir plus sur les événements qu'il raconte que d'aller lire d'autres titres de l'auteur. Merci aux hasards du vide-bibliothèque Babelio pour cette découverte !
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
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