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Critique de ATOS


Caligula, l'empereur, le tyran, est il fou de douleur, ou sa douleur est elle révélatrice de notre folie ? Les deux à la fois ? Sa douleur.... celle de n'être qu'un homme, cette douleur née de son incapacité à s'inscrire dans le possible de sa nature. « Posséder la lune », obtenir « l'impossible ». Tendre à cela. A l'impossible. Ne voir que ce but et négliger toute quête.
La folie le prend lorsque qu'il réalise qu'il n'est qu'un être de chair, d'émotions, un être ressentant.
Il est empereur. Il peut tout. Mais l'homme se sait mortel, voilà peut être sa douleur.
Lui qui est empereur, lui qui fut fait de mains et de voix d'hommes, Empereur. Qu'est ce que la vie qu'est ce que la mort pour un empereur qui n'est plus un homme?
Caligula devient fou. La vie n'est rien. La mort n'est rien. La douleur n'existe pas. Ainsi parle et agit l'empereur. L'empereur est libre. Libre de tout. de ses droits. Voilà l'horreur qui entre dans la cité. Caligula est fou, il tyrannise, extermine, détruit, efface, réduit.
Et la cité y consent. Elle tremble, elle maudit, elle complote, mais elle consent.
Voilà le miroir de la folie. La cité a fait de l'empereur une figure extra-humaine, un non être, une entité au delà même des dieux,
Caligula veut, Caligula peut, il a le pouvoir puisqu'on lui concède. Voilà la folie humaine. La cité place le fou sur le trône, plus rien ne pourra arrêter la machine. Alors la cité justifie les crimes de Caligula, par le seul fait de la position qu'elle lui donne, et plus il l'élève et plus la haine de Caligula se déchaîne.
La pièce est d'une efficacité redoutable car elle nous malmène autant que sont malmenés les patriciens sur scène. Dans le chaos, dans la nuit du meurtre, dans cet enfer, nous ne savons plus qui est folie, qui est douleur.
La douleur de soi porte la folie en elle même et fait tout basculer dans l'horreur.
Caligula doit mourir. Il mourra. Personne n'en doute et cela dès le début de la pièce. Pourquoi donc laisser libre court à cette absurdité ? La liberté doit elle mener à la folie ? Rendre libre de tout, est ce rendre responsable de rien ? Pouvoir, folie, obéissance, résistance, vengeance.... Et si la vie est absurde, faudrait il pour autant la nier ?
Notre incapacité à lui trouver un sens ne provient que de notre nature humaine. Celui qui se voit placer au dessus de tout, se voit placer au dessus de la vie même. Pour ne pas perdre la face : un seul choix. Il faut qu'il soit en mesure de lui donner le sens. Et si ce sens reste introuvable alors pas d'autre choix que de crier à l'absurdité. Et cela ne suffit même plus de s'en contenter, il faut que tout disparaisse. Car aucun témoin ne doit rester, aucun témoin qui pourra mettre en doute un jour l'ignorance du maître. Voilà l'abîme où le berger jette le troupeau et lui même. Non Caligula tu auras beau tout jeter en enfer, rien n'y fera, et comme tu le crieras lorsqu'il viendront de tuer , « tu es vivant ». C'est pour cette raison, que tu seras exécuté. Non pas parce que tu es fou, mais parce que tu es une absurdité qu'ils ont eux mêmes créée. On ne fait pas d'un homme un dieu. Personne n'y survivrait.
Tu les tuais parce que tu jugeais leur vie absurde, et ils te tuent parce qu'il eut été absurde de te laisser la vie.
Qu'en aurais tu fait de ta vie Caligula, toi l'empereur, incapable de comprendre ta douleur et donc incapable de comprendre celle des autres ? Tu n'as rien vu Caligula dans ce miroir dans lequel tu te regardais, tu n'as rien vu Caligula, en refusant de percevoir ta douleur et tu es devenu incapable de voir le danger pour la cité. Rien n'est jamais jouet dans vie. Mais c'est un travail d'homme de le comprendre, quant aux empereurs il convient de ne pas trop longtemps les laisser s'amuser.

Astrid Shriqui Garain
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