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Critique de Fleitour


Avons nous perdu l'art de la fiction ? Quand Marc Petit fait l'éloge de la fiction il nous suggère des situations non vécues, et peu susceptibles de le devenir. Nous avons encore de belles plumes pour nous transporter sur ces chemins comme Pierre Lemaître, Jean-Paul Dubois, ou Serge Joncour, avec lesquels nous aimons casser les codes de notre quotidien.


Quand Albert Camus à la fin de la guerre, publie la Peste, tous les observateurs pensaient que les événements décrits ne pouvaient arriver, comme si nous étions dans une pure fiction, qui permettait à l'auteur habité d'images de la Méditerranée de nous bouleverser en agitant nos consciences.

Une incroyable réussite philosophique et littéraire.

Ce que Camus me semble-t-il déploie après L' Etranger, c'est la mise à nue d'une situation invraisemblable, tragique, donc absurde. Les pandémies ne sont plus de notre monde. Celles que nous pouvions lire à ce moment-là en 1947 sont historiques dont la plus remarquable est celle de Jean Giono qui a bousculé les esprits. La nature n'est pas toujours idyllique.


Ce drame qui se joue tous les jours, disperse une fièvre et envahit tous les quartiers d'Oran par une bactérie, la peste bubonique. Les malades rentrent dans une spirale infectieuse, faute de sérum, la plus dégradante que l'on puisse imaginer.
Pénurie de sérum ! Mais que fait le gouvernement que fait le préfet, que fait Véran.


Mais enfin quel est ce trublion que l'on ne connaît pas encore et qui vient de dire que la guerre n'était pas finie, et passer de la peste brune à une peste aussi humiliante comme si on s'enfonçait dans un cycle ininterrompu de catastrophes.
Alors comment ne pas imaginer que l'on puisse prononcer une déclaration de guerre contre le Corona virus qui cette fois-ci est venu de la Chine et qui occupe, ajusté à son col Mao, tous nos villages et toutes nos villes


Comment en 2020 dans ce printemps préparé si minutieusement par les poètes nous soyons tous placés dans une sorte d'emprisonnement comme quelque chose qui n'existe pas mais qui est là et s'impose sans frapper.
Camus écrira : la peste dont "j'ai voulu parler se lit sur plusieurs portées à la fois, cependant elle a comme contenu évidant la résistance européenne contre le nazisme, tout le monde l'a reconnu dans tous les pays d'Europe".
Pour l'auteur de la Peste il y a plusieurs voies, celle de la résignation comme celle des d'opportunistes, qui spéculent sur la vente des masques.
Mais il y a aussi la voie du service et de l'entraide pour secourir.


La résignation émerge ça et là, comme la pire des attitudes. Cette fois, l'église est à la peine, le père Paneloux ne fera plus croire aux soignants comme Rieux à une punition de Dieu, après la mort d'un enfant innocent. Celle-ci précédera la sienne ; la mort absurde de Paneloux qui après la révolte relèvera la tête comme Tarrou au cœur de la rébellion.
Ils se disaient avec le Dr Rieux que " la maladie venait de les oublier, que cela était bien et que demain il faudra aller se baigner, et recommencer".


Au lieu de s'en prendre à quelques rats, ou à quelques cibles choisies comme de crédibles boucs émissaires responsables de l'arrivée d'une nouvelle pandémie, Camus se pose en compagnon du taoïsme à la façon d'un sage. Il pense à l'attitude de l'hédoniste dans son environnement, comme le poisson dans une rivière suit les fleurs et anticipe les courants.


Il faut résister aux bactéries, "savoir que jamais le virus ne désarme". Entre l'absurde et la révolte la place pour l'être humain est d'être attentif, armé, conscient que notre potentiel de vie, est devant nous, qu'il nous revient de le faire grandir, occuper le corps et l'esprit quels que soient les abîmes.
Dans le livre "Eté" Camus déclare au milieu de l'hiver, "j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible". Nous sommes des êtres fragiles à nous de gagner en lucidité. "Nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant disait Patrick Modiano".


En écrivant ce texte ci-dessous pour un nouveau projet je n'avais pas en ligne la Peste.
Le texte se déroule comme la trilogie de Camus, la peste ou le cycle de l'absurde, puis le deuxième quatrain l'homme révolté, « Quand finirez vous donc, suis-je devenu folle ? Les justes « mes parents en pleurs viennent sécher mes larmes. le printemps cette année me couvre de pâleur et non Dieu. L'acceptation, la sagesse, lui dictent "je veux être la seule à mourir de mes larmes". Enfin le taoïsme et l'occupation de l'espace, " soyez mes amis l'écho de ma douleur". le courage d'être apparaît alors comme une brève citation de son roman le Premier Homme.



Elle nous parle de la maladie qui la frappe.
Elle n'a pas dix sept ans et ne connaîtra peut-être pas le bonheur de partager.
Cependant c'est le partage qu'elle invoque.



Mon silence est un cri.

Je suis jeune et j'étouffe en cet écrin de verre
J'aperçois le ciel bleu et respire le feu
Qui me brûle les joues et sèche ma paupière
En cet aveuglément se referment mes yeux.

Quand finirez vous donc ? Ou suis-je devenue folle ?
Sans mes chères amies au pire des moments
De soins tant acharnés, leurs âpres camisoles
Il faudra m'y plier, je n'ai pas dix sept ans.

Mes doux parents en pleurs viennent sécher mes larmes,
Et les soignants aussi ont coupé leurs alarmes.
Le printemps cette année me couvre de pâleur.

Nul ne sut que jamais le virus ne désarme.
Je veux être la seule à mourir de mes larmes.
Oh mes amis ! soyez l'écho de ma douleur !

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