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Critique de tiptop92


Albert Camus - L'étranger - 1942 : Quelqu'un s'est-il déjà dit que ce livre ressemble à l'ébauche d'un vrai roman un peu comme les pastels de Degas semblent préfigurer la réalisation d'un plus grand tableau. L'histoire est squelettique et son résumé tient en une phrase. Un individu sans but, extérieur a sa propre vie assassine un ressortissant arabe sans vraiment le vouloir et sans le regretter non plus. Pourtant ce court texte sorti en 1942 est considéré comme un des chef d'oeuvre de la littérature mondiale. Dépouillé à l'extrême, il raconte la vie d'un homme insensible et désabusé considérant que son existence même ne le concerne pas y compris dans les épisodes les plus dramatiques qu'il traverse (la mort de sa mère, l'assassinat de l'homme, sa condamnation à mort). Cette absence de sentiments et de ressorts dramatiques contrebalancée par une écriture simple mais puissante rend ce livre fascinant bien des années après sa sortie. On peut se demander rétrospectivement si «l'étranger» n'est pas la plus grande escroquerie littéraire du 20ème siècle. En effet toute personne ayant un tant soit peu d'ambition plumitive chercherai à étoffer son propos autrement qu'en expliquant qu'elle a mangé des oeufs le midi ou qu'elle s'est lavée les mains en guise d'ablutions pour le reste de la journée. Oui mais tout le monde n'est pas Albert Camus, et lorsqu'on dit que le plus compliqué dans la vie est de faire simple, on parle sans doute de ce grand écrivain et de son livre le plus célèbre. Un autre avantage lié à «l'étranger» tient dans sa brièveté. Voilà un livre qu'on peut relire souvent. Lors d'un voyage en train par exemple, disons Bordeaux / Paris, l'allé retour sera suffisant pour en venir à bout. Essayez avec «Belle du Seigneur», le tour du monde ne suffira pas à égrainer ces phrases ampoulées qui font encore grimper aux rideaux de manière incompréhensible les femmes installées et les jeunes béotiennes avides de contes de fée. Cette comparaison à la Meursault (l'indigent qui sert de héros à cette histoire) n'est pas vaine car les deux livres sont vraiment la thèse et l'antithèse d'une littérature qui se voulait à une époque exagérément froide et sans lyrisme où totalement mièvre et démonstrative. On parle aussi de révolte quand on évoque cette oeuvre, mais une révolte contre quoi ? on est plutôt là dans l'affichage d'un nihilisme et d'un état dépressif qui mèneront un homme au suicide physique et social. On ne sait quelles raisons ont poussé Camus à déshabiller ainsi son écriture et sans doute aussi son âme mais «l'étranger» restera toujours pour nous les petits humains perdus dans nos questionnements existentiels un phare à la lumière délavée ou un brasier sans flammes alimenter par l'ennui qui traverse la plupart de nos misérables vies… une pierre angulaire de l'histoire de l'écriture
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