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Critique de Denis3


Bizarre ? Vous avez dit bizarre ?
Comme c'est bizarre…

Meursault, l'Etranger. C'était une lecture obligée en seconde. Je me souviens
avoir eu horreur de ce livre. Sans doute à cause de l'absurdité qui semblait en exsuder de toutes parts. Pour moi, même à seize ans, faire sens était déjà un besoin fondamental. L'absurdité, quelque chose d'intolérable, une forme d'anti-humanisme. Car si l'homme et sa vie sont absurdes, il ne valent rien. Les questionnements naturels à cet âge, questionnements souvent anxiogènes, ont sans doute exacerbé le refus inconditionnel d'un tel état de choses.

Je me demandais donc comment parler de ce livre. Quand, ce matin, une bonne fée a croisé mon chemin. La critique de Cannetille portant sur le Vieil Incendie. La distance entre les gens. L'inévitable étrangeté de l'autre. Étrangeté d'autant plus marquée si l'autre n'est pas très adapté à la compagnie dont il est censé faire partie. Barrières linguistiques, différences culturelles, différences physiques. Mentalité incompréhensible . Il y a de quoi faire un étranger. Dans le cas de Meursault, les différences sont tellement nombreuses et profondes qu'on peut parler d'aliénation. L'homme est inadapté à la vie en société, il est asocial ou désocialisé. Il ne semble partager rien avec les gens qui l'entourent. Il n'a aucun ressenti pour eux. Ils ne signifient rien pour lui. Les gens, leurs activités, leurs paroles et leurs vies sont des choses incompréhensibles, des mystères opaques, qu'il n'essaye d'ailleurs pas de pénétrer. Et parce qu'elles sont totalement incompréhensibles, elles demeurent sans valeur car elles ne signifient rien. Meursault est un être isolé, égaré dans une société - et peu importe laquelle, elles lui sont toutes étrangères. La condition humaine, vue comme étant absurde. L'absurde, en tant qu'aliénation, étrangeté extrêmes.

Cent douze pages ont suffi à Camus - ou lui ont été nécessaires - pour décrire un vide total. Mais le vide ne peut se décrire que par référence à autre chose. le vide est précisément la négation de cette “ autre chose”, et, en la niant, en devient une sorte d'image inversée : les ressentis et les actions de Meursault n'acquièrent un sens que par les réactions de la société qui l'entoure, et qui les rejette. Cette situation d'aliénation, d'incompréhension et de rejet ne peut donc mener qu'à une issue, le rejet définitif. Meursault sera exécuté, et y voit la conclusion logique de sa vie. Rideau.

Pour qui ou pour quoi Camus a-t-il bien pu écrire son premier roman ? de qui Meursault est-il l'image ? Roman écrit entre 1938 et 1941, publié en 1942. Est-ce le dégoût d'une Europe qui s'enfonce toujours plus dans l'inhumanité ? Il est toujours tentant de voir l'auteur derrière un personnage principal ou un narrateur. Meursault est-il une préfiguration négative du docteur Rieux de la Peste ? Camus cherche-t-il encore sa voie en ce premier ouvrage du Cycle de la Révolte, nous proposant une réponse initiale , purement négative, à l'absurdité perçue (par lui) du monde et de la vie ? Questions que le manque d'érudition ne me permettent que de poser.

Pour ce qui me concerne, que retirer de l'Etranger ? La rencontre avec un mode de pensée qui m'est fondamentalement…étranger. Au moins ai je pu le voir et en comprendre quelque chose, plus de quarante cinq ans après ma première lecture. Je conçois que l'on puisse se représenter ainsi le monde. je ne conçois pas de vivre ainsi.




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