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Critique de Presence


Décroissance
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Ce tome est le premier d'une saison, et il ne nécessite qu'une connaissance superficielle du personnage pour pouvoir l'apprécier, car le scénariste effectue les rappels nécessaires en cours de route. Il regroupe les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2020, écrits par Christopher Cantwell, dessinés et encrés par Carlos Alberto Fernandez Urbano (CAFU), avec une mise en couleurs de Frank d'Armata, et des couvertures magnifiques d'Alex Ross. Il contient également les couvertures alternatives réalisées par Mark Brooks (rutilante), Hidetaka Tenjin (superbe), Dustin Weaver, R.B. Silva, Mattia de Iulis, Skan, Jeffrey Veregge, Rick Leonardi, Todd Nauck, Dave Rapoza, Peach Momoko, Aco, Frank Cho.

Deux personnes discutent de modèles de voiture, pendant ce temps-là, Iron Man est en plein combat contre Terrax (Tyros) dans un centre commercial à New York. Alors qu'il entraine Terrax toujours plus haut dans le ciel jusqu'à l'écraser contre un satellite de communication, Tony Stark est en train d'échanger avec l'intelligence artificielle B.O.S.S. de son armure pour réaliser des transactions boursières. Une fois revenu sur Terre, il poste un message sur les réseaux sociaux indiquant que Terrax n'est plus une menace. Les réactions ne font pas attendre : il se fait insulter par des individus qui n'ont plus d'internet à la suite de la destruction du satellite. Plus tard dans la journée, il donne une interview expliquant qu'il a décidé de se retirer de Stark Unlimited, qu'il est temps que les machines construisent elles-mêmes d'autres machines, et que lui puisse revenir à ses racines, se souvenir ce que c'est d'être humain. La journaliste ne se laisse pas prendre au numéro de charme et lui demande si ses racines, c'est bien d'être à la tête d'une fortune de 65 milliards de dollars, d'être propriétaire d'une demeure de 14,8 millions de dollars à Malibu, d'être propriétaire d'une armure aussi dangereuse qu'une bombe thermonucléaire. Elle finit par lui demander combien d'êtres humains ont été tués à cause de ses innovations. le mercredi, il est au volant d'une belle décapotable avec Gloria Grant à ses côtés qui veut l'interviewer. Il ne maîtrise pas bien le véhicule et ils manquent de basculer dans le vide après un tête à queue.

Tony Stark finit par se décider à acheter un Ford Mustang de 1970 le jeudi, ainsi qu'un petit immeuble de type Brownstone à New York. Alors qu'il regarde les pièces vides, Janet van Dyne vient lui dire qu'elle est passé à autre chose, et elle lui dit de prendre soin de lui. le soir dans Amsterdam Avenue, Tony Stark arrive avec sa voiture et propose plusieurs centaines de dollars pour participer dans une course urbaine illégale, à un groupe de jeunes. Halcyon, un jeune mutant muet accepte sa proposition. C'est parti. Après quelques rues à fond, et quelques virages serrés, Stark arrive second : il paye la somme convenue à Halcyon. le lendemain soir, il donne une réception pour ses amis dans sa maison de ville, les réseaux sociaux se moquant de son train de vie et de la liste de ses invités, des PDG et de millionnaires. Plusieurs invités essayent de le brancher sur des affaires juteuses pour lesquelles ils ont besoin de capitaux. Dans la foule des invités, il reprend contact avec Patsy Walker. Leur discussion est interrompue par Fuller Tielhard qui souhaite lui présenter son projet permettant de capturer l'énergie des éclairs.

Nouvelle saison, nouveau scénariste, nouvelle direction : c'est le principe. Christopher Cantwell s'est fait remarquer avec deux très bonnes séries indépendantes : She Could Fly avec Martín Morazzo, et Everything avec I.N.J. Culbard. Il a également réalisé une saison en 10 épisodes de Doctor Doom avec Salvador Larroca. Fort de ces réussites, l'éditeur Marvel lui a confié un de ses principaux héros. le scénariste l'emmène dans une direction prometteuse : Tony Stark en a sa dose d'être un inventeur de tous les instants et un capitaine d'industrie : il décide de tout plaquer, mais en empochant ses dividendes et de revenir à une vie plus simple, une forme de décroissance. Il souhaite redevenir un simple superhéros, avec une envergure modérée, et ainsi retrouver la faveur du public grâce à ses sauvetages, et à la neutralisation de supercriminels. Sans grande surprise, le public n'est pas si épaté que ça par ses bonnes actions dont il n'hésite pas à critiquer les retombées néfastes, ni par ses frasques dans vie civile comme cette course de voiture dans les rues de New York. Sans grande surprise non plus, quelques supercriminels ont décidé de lui pourrir la vie.

Quand il commence sa lecture, le lecteur est frappé par la tonalité des dessins avec des couleurs denses et un peu sombre, et des représentations très réalistes. Cela lui rappelle le début de la saison réalisée par Matt Fraction & Salvador Larroca. Effectivement, il s'agit bien du même coloriste qui apporte le même habillage, fortement influencé par Adi Granov, l'illustrateur de Iron Man : Extremis (2005) de Warren Ellis, avec des teintes plus chaudes. le lecteur peut ainsi s'immerger dans les différents endroits : sur un trottoir devant la façade monumentale en pierre et en verre d'un gratte-ciel, sur une route de corniche, chez un vendeur de voitures, sur un ring de boxe, dans l'appartement pas encore meublé de Tony Stark, dans une laverie automatique, etc. Les couleurs apportent une consistance palpable à chaque élément, l'artiste s'attache à représenter les détails que ce soient les lames de parquet ou les programmateurs des machines à laver. Il apporte un soin similaire à la représentation des voitures et des tenues vestimentaires. En civil, il représente des personnages élégants, un peu élancé, sans musculature extraordinaire, des êtres humains proches de la normalité. le lecteur prend plaisir à côtoyer un Tony Stark très humain, doutant de lui, cherchant à retrouver une forme d'authenticité, en accomplissant des choses plus normales… enfin pour quelqu'un riche à millions.

Les auteurs ne négligent pas pour autant la composante superhéros. Ce tome s'ouvre avec un premier combat contre Terrax, un ancien héraut de Galactus. Iron Man a une belle armure rouge & or. le premier épisode comprend également une page silencieuse dans laquelle Tony Stark revêt son armure. Il se balade de toit en toit avec Patsy Walker qui a revêtu son costume de superhéroïne. Il fend le ciel à toute vitesse et percute un champ de force, avec perte et fracas. Il utilise bien sûr ses rayons répulseurs, et son armure est rutilante. Il doit se battre contre une demi-douzaine de supercriminels successifs, et il faut attendre le troisième épisode pour que l'ennemi principal soit révélé. Un peu dépassé par les événements, Tony Stark finit par faire appel à d'autres superhéros, mais ils sont loin d'être les Avengers. D'un côté, le lecteur pourrait s'en trouver déçu ; de l'autre côté, c'est cohérent avec la volonté du héros de revenir à un niveau d'intervention moins global, que ce ne soit ni la Terre qui soit en passe d'être détruite, ni l'univers tout entier qui soit menacé. Mais quand même Eugene Patilio dit Frog Man ?!? En outre Frank d'Armata maîtrise parfaitement les effets spéciaux pour les décharges d'énergie ce qui apporte une dimension spectaculaire très forte.

Dans le même temps, tout du long du récit, les auteurs ne perdent pas de vue l'humanité de Tony Stark. Depuis plusieurs décennies, les scénaristes jouent avec l'assurance parfois arrogante du personnage, multimillionnaire, inventeur et créateur de génie, sans oublier homme à femmes. Il est très rafraîchissant de le voir essayer de laisser une partie de ses responsabilités derrière lui pour revenir à une vie à échelle plus humaine. L'artiste lui a donné une nouvelle coupe de cheveux mi-longue, et une moustache un tout petit peu différente, avec des expressions de visage comportant assez de nuance pour bien traduire son état d'esprit et le rendre irrésistible dans son assurance qui n'est en rien entamée, et sa surprise quand Patsy lui explique gentiment à quel point il est à côté de la plaque. Dans le premier épisode, Stark se prend des critiques désagréables sur les réseaux sociaux, alors qu'il est convaincu d'avoir sauvé des êtres humains. le scénariste s'amuse discrètement avec le principe que les récits doivent faire toujours plus fort, plus spectaculaires, plus global. À la fin de l'épisode 2, Patsy lui pose les questions sans filtres. A-t-il jamais été contraint de regarder au-delà de ses privilèges ? Se rend-il compte qu'il s'est donné toujours plus de puissance, et qu'il n'a de compte à rendre devant personne ? N'est-il qu'un homme blanc de plus, avec un complexe divin ? Tony Stark est autant déstabilisé par le fait de devoir voler en classe économique (il n'y a pas de place pour les jambes), que de se rendre compte que le monde n'attend pas qu'il le sauve, que la reconnaissance des individus ne lui est pas acquise. La caractérisation du personnage trouve le juste milieu entre le petit garçon se heurtant au fait que le monde n'est pas comme il veut et ne tourne pas autour de lui, et l'individu qui n'avait pas imaginé que se remettre en question puisse être douloureux.

Une itération d'Iron Man de plus, qui ne durera que le temps du séjour du scénariste sur le titre. Encore un artiste qui se coule dans le moule qui lui est fixé par les responsables éditoriaux. Certes, mais du coup cela signifie également que le scénariste a pour mission de donner une version personnelle du superhéros, et que l'artiste en présente une version cohérente. Pour ce premier chapitre, Cantwell, Aco et d'Armata atteignent l'objectif, avec Tony Stark en pleine crise d'humilité (tout est relatif), des dessins qui reviennent à l'esprit de la version d'Adi Granov et Salvador Larroca avec respect et compétence, et une mise en couleurs riche et sophistiquée. le lecteur peut s'amuser de l'ingénuité un peu suffisante de Tony Stark, tout en dégustant un récit de superhéros d'excellente facture.
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