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Critique de Lazlo23


Au coeur de ce roman jubilatoire, il y a « Montezuma », un opéra de Vivaldi joué en 1700 et dont Alejo Carpentier (1904-1980) s'amuse à imaginer l'histoire. Une histoire en forme d'errance, qui nous mène des rivages du Mexique au carnaval de Venise. C'est au milieu des masques et des feux d'artifice que le Cubain Filomeno et son maître, un riche Indiano* mexicain, font la rencontre d'une bande de joyeux fêlés ayant pour noms Haendel, Scarlatti et Vivaldi.
A partir de là, ce qu'on avait d'abord pris pour un roman historique comme tant d'autres change subitement de dimension. Aux côtés des deux voyageurs, l'on assiste médusé à une sorte de « retour vers le futur » à la faveur duquel (et sans quitter la Venise du XVIIIè siècle) il nous arrive de croiser l'ombre de Stavinsky, la silhouette de la Tour Eiffel ou la trompette d'Armstrong.
On l'a compris, cette histoire déjantée est pour l'auteur l'occasion de questionner les rapports d'influence entre Europe et Amérique – rapports qui ne sont pas à sens unique, loin de là, comme le prouve l'opéra précédemment cité, ou bien encore les « Indes Galantes » de Rameau, quelques années plus tard.
Mais ce roman est aussi une manière de remonter aux sources de l'identité latino-américaine : ainsi, lorsqu'il assiste à la première de « Montezuma », curieusement, ce n'est pas pour ses ancêtres espagnols que le maître prend parti mais bien pour le malheureux monarque aztèque :
« J'eus l'impression que le chanteur était en train d'interpréter un rôle qui m'était destiné, et que moi, par mollesse, par trouille, j'eusse été incapable d'assumer. Tout à coup, je me sentis déplacé, exotique dans cet endroit, étranger, comme éloigné de moi et de tout ce qui fait que je suis moi. »
Très souvent drôle, parfois érudit, ce court roman d'Alejo Carpentier est un vibrant éloge du métissage (musical, littéraire, culturel…), en même temps qu'une fête des mots et de l'intelligence.

* Indiano : C'est ainsi qu'on nommait au Siècle d'or les colons espagnols enrichis aux Amériques (ou leurs descendants) et qui revenaient au pays les poches pleines.
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