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Critique de Pasoa


Très belle surprise que la découverte et la lecture de l'Autobiographie du rouge d'Anne Carson, un ouvrage publié aux éditions de l'Arche.

Inspirée par la Géryonide de Stésichore (poète grec, originaire de la Sicile qui vécut de 630 à 555 avant J.C.), Autobiographie du rouge met en scène Géryon, personnage mythologique dont l'histoire est ici transposée dans notre époque contemporaine.

Le livre débute par une série d'annexes qui sont comme autant d'introductions indépendantes qui ouvrent l'accès au poème principal d'Anne Carson.

Géryon est un jeune adolescent, un être hybride, à l'aspect surnaturel et humain. Doté de grandes ailes rouges qu'il cherche constamment à dissimuler, Géryon est un garçon introverti, secret. Il fait un jour la rencontre du jeune Héraclès, garçon qui deviendra rapidement son amant, avec qui il partira en voyage. Un temps qui confrontera Geyrion à lui-même.


« Ces jours-ci Géryon éprouvait une douleur qu'il n'avait pas ressentie depuis l'enfance.
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Ses ailes faisaient les difficiles. Elles s'écorchaient l'une l'autre sur ses épaules,
petits animaux rouges écervelés qu'elles étaient.
Avec un morceau de planche trouvé dans le sous-sol Géryon se fit une attelle
et se ligota fermement les ailes.
Puis il remit sa veste. T'as l'air de mauvaise humeur aujourd'hui Géryon ça va pas? dit Héraclès en voyant Géryon
remonter du sous-sol.
Il y avait quelque chose de crispé dans sa voix. Il aimait voir
Géryon heureux.
Géryon sentit ses ailes se resserrer, se resserrer, se resserrer.
Non tout va bien. Géryon se força à sourire d'une moitié de visage »


La première originalité du livre d'Anne Carson tient à la forme de l'écriture. Dans ce Roman en vers (tel est le sous-titre de l'ouvrage), très souvent l'auteure fait se confondre les récits directs et indirects, se mêler la narration aux dialogues des personnages, sans aucun recours à la typographie et à la ponctuation pour les distinguer les uns des autres. Un parti pris original chez la poétesse qui n'altère en rien la lecture mais la rend plus saisissante.


Avec ce procédé d'écriture, la force du livre se manifeste aussi dans la combinaison des moyens employés par Anne Carson : travail de traduction, de réécriture du récit mythologique, travail sur la psychologie des personnages, sur les symboles (souvent évoqué, le volcan, avec son pouvoir d'attraction et de fascination, du vide qu'il porte en lui) et sur le style (entre onirisme et surréalisme).


Plongé dans les méandres de sa conscience, dans sa confrontation aux autres, dans les lieux étranges qu'il traverse, Geyrion fait l'expérience du manque qu'il lui faut sans cesse combler. C'est pour lui une manière sensuelle de refermer sur et en lui-même le gouffre de l'existence qui l'entoure. La couleur rouge, les ailes sont ce qui définit Geyrion mais aussi le singularise, le marginalise. le tout d'un personnage de tragédie.

J'ai refermé Autobiographie du rouge presque à regret, tant la lecture en était saisissante et belle. Mystérieux et édifiant, comme peut l'être un récit mythologique, ce roman en vers est une réflexion sur l'altérité, sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes, sur nos différences, source de plénitude et de manque.


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