Alexandrie, Antioche, Athènes, Sparte, Rome...
C'est en défenseur de la culture classique, de cette histoire de l'Antiquité qui a baigné son peuple, en défenseur de la langue aussi, que
Cavafis conçoit la poésie. Ni romantiques, ni truffés de métaphores, d'assonances, ni lyriques, encore moins élégiaques, ses
poèmes se veulent factuels et dans la grande tradition de la Grèce antique, à valeur philosophique.
Voyons-le d'abord comme un redresseur de piliers effondrés de notre passé mais aussi comme un témoin des grands mouvements de l'histoire : l'antiquité n'est pas monolithique. La Grèce classique, le siècle d'Alexandre, l'Égypte ptolémaïque et Rome enfin... ont brassé des peuplades, des langues, des religions et des cultures étendues sur trois continents que lui, Grec de la communauté alexandrine du début XXe, tente de raviver.
Manuel d'histoire en quelque sorte, sa poésie est aussi un plaidoyer pour ancrer ses racines et partager la profondeur de la langue et l'étendue de la culture grecques. Une volonté d'épiphanie en quelque sorte.
Mais c'est enfin quand il évoque sa modeste vie personnelle, ses rencontres amoureuses cachées, que
Cavafis parvient à nous émouvoir. C'est ce même geste d'épiphanie qui cette fois s'attarde à son vécu, à sa vie de bohème, à ses souvenirs, ses espoirs déçus ou ses désirs réprimés par la société. Évoquant la splendeur de la Grèce oubliée ou de la jeunesse en allée,
Cavafis parvient à nous émouvoir avec ce même style descriptif, précis, factuel. L'émotion est toujours tacite, en surplus, laissée à la bonne volonté du lecteur qui, n'en doutons pas, se trouve pris au jeu.