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Critique de Nastasia-B


Aimé Césaire est une fine plume et possède une envergure de vue, de conviction et de culture rare. Il a donc beaucoup de choses à nous dire et — assertion toute personnelle — peut-être a-t-il voulu trop nous en dire dans Une Saison Au Congo.

C'est une pièce éminemment politique qui évoque le passage troublé de la colonisation belge à l'indépendance du Congo (plus tard nommé Zaïre puis de nos jours République Démocratique du Congo). Il se focalise sur un personnage-clé : Patrice Lumumba, figure mythique de l'indépendance, manière de Gandhi ou de Nelson Mandela congolais.

Il faut saluer la performance d'Aimé Césaire d'arriver, aussi peu d'années après les faits et avec la difficulté d'obtenir des informations fiables à l'époque, à nous dresser un tableau très réaliste de l'assassinat du leader indépendantiste Lumumba.

Cette pièce m'a donné grandement envie de me documenter sur cette période et cette région que je connais fort peu. Beaucoup de faits sont réels, beaucoup de noms également. Certains sont légèrement modifiés car à l'époque de l'écriture de la pièce, ces personnes réelles étaient encore en place, notamment l'adorable Mobutu, baptisé Mokutu dans la pièce, tyran et assassin notoire qui mit en place une bonne vieille dictature des familles, du début des années 1960 à sa mort en 1997 et saigna son pays autant qu'il le put.

Le propos de la pièce est réellement captivant pour qui s'intéresse aux questions politiques, aux prises de pouvoir, à l'indépendance africaine voire même, à la bonne compréhension de la mondialisation que nous vivons. le rôle sourd et pourtant déterminant de l'ancienne tutelle coloniale et des banquiers internationaux n'est pas omis.

Cependant, j'ai ressenti de la gène à la lecture car quelque chose me dérangeait. Certes Aimé Césaire se réapproprie la vieille tradition du théâtre engagé et je ne peux que l'en féliciter. Par contre, le théâtre a tout de même ses règles internes qui ne correspondent pas forcément au projet littéraire que s'est fixé l'auteur.

Un partage en trois actes très artificiel, pas d'unité de temps, ni de lieu, ni de ton, ni de mode narratif. Du coup, c'est assez confus, brouillon, une suite de tableaux pas très bien reliés entre eux, des scènes extraordinairement peu scéniques avec des personnages qui nous parlent des actions au lieu que nous les vivions et que nous les voyions jouer, des passages de la prose au chant ou aux dialogues en vers que je trouve assez mal maîtrisés, des échanges entre des personnages réels et des allégories dont la encore je questionne la pertinence.

En somme, à vouloir trop en mettre dans cette soupe, peut-être perd-on le goût des ingrédients de base qui étaient pourtant, pris indépendamment, de grande qualité. C'est le principal défaut que je trouve à cette pièce et d'où mon ultime question : le théâtre était-il la forme adéquate à donner à ce propos ? de mon point de vue non ; soit il aurait été préférable de basculer carrément vers l'essai politique, soit, si l'on souhaitait à tout prix conserver la forme dramatique, revenir à une forme plus simplifiée, plus allégorique et se détacher plus nettement de la réalité factuelle pour ne conserver que l'essence du propos.

Mais il me semble que je me permets beaucoup de bémols, du haut de mon insignifiance, alors lisez, dévorez Une Saison Au Congo et faites-vous en votre propre opinion, au besoin pour la contredire, car celle-ci n'est qu'une minuscule feuille tombée sur le géant fleuve Congo, autant dire, pas grand-chose.
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