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Critique de Dixie39


Je n'avais encore jamais ouvert un livre de Sorj Chalandon. Et c'est donc celui-ci que m'a choisi Eve025 dans le cadre du club de lecture pioche dans ma PAL de mars. Je ne sais pas encore comment je vais bien pouvoir m'y prendre pour vous livrer le choc qu'a été pour moi la lecture de "Profession du père". J'ai parcouru les nombreuses critiques déjà écrites et je ne peux qu'acquiescer devant tout ce qui a déjà été dit.

J'ai ri. J'ai ri à la lecture des premières pages de ce livre, devant certaines images du père comme celle-ci : "Lui l'évangéliste, le croisé charismatique, se disait bien au-dessus de Jésus. Dieu lui parlait. Mon père et Dieu, sans personne pour traduire. Il n'avait que faire d'une bouchée de pain sans levain, de prières en commun ou de genoux à terre."

J'ai raconté les premiers chapitres, plaisanté sur ce début d'histoire, heure par heure dévidé le fil du nouveau délire du père d'Émile auprès de mon entourage, témoin privilégié (et bienveillant) de mes lectures du moment. Et puis, petit à petit... Je me suis tue. Je me suis tue, prise d'angoisse et de nausées, au piège de cette araignée qui doucement tisse, jour après jour, une toile qui englue cet embryon de famille, ce petit noyau social a minima : Père, Mère, Fils, "un animal et deux silences", acteurs d'une mascarade où les dés sont pipés et la règle du jeu, viciée.

L'éclat de mes rires m'est resté coincé au travers de la gorge. Non ! Ce n'est pas, ce n'est plus drôle ! Cela pourrait être juste pathétique, s'il n'y avait au milieu de ce duo parental toxique, Émile, cet enfant qui comme beaucoup, voue une admiration sans borne à son géniteur : "Mon père, ce héros !"

« - Tu comprends ?
- Je comprenais. Bien sûr, je comprenais. A neuf ans, on comprend tout.»

Non. Ce n'est même plus pathétique. C'est au delà de cela. C'est une enfance qu'on malmène et qu'on détruit.

« J'avais du sang dans la bouche, de la peur partout. »

C'est tout l'univers, l'innocence d'un enfant qui s'effondrent quand la violence s'invite et que la scène burlesque de tragi-comique glisse vers l'angoisse, le dégoût et la folie : avec les coups, l'enfermement, les sévices au bout. le rideau se ferme pour nous, mais le tyran poursuit ses jeux pervers, continue à exercer son emprise.
Même loin. Même vieux. Même mort.

« Mes voix lointaines se réveillaient, mes légions de douleurs. Elles commençaient à geindre. »

Point de salut possible avec de tels pervers, mais la fuite. Ni solution, ni miracle : les laisser dans leur dénuement intérieur et leur délire psychotique et fuir, fuir le plus loin possible en espérant que l'emprise psychologique ne soit pas trop forte et qu'il sera possible de déchirer la toile et maintenir le cap, pas à pas, vers la sortie de secours malgré les mirages, les embuscades, les flatteries et les menaces dont ils abreuvent leurs proies, pour mieux les ferrer et les asservir, anéantir.

S'éloigner et ne jamais revenir pour ne pas voir ressurgir «une boule d'enfance dans le ventre. »
« Et puis le silence. Je l'ai laissé entrer, avec sa sale gueule. Comme ça, pour voir ce qu'il adviendrait de nous. Un silence de poisse, de glu. Un silence de gêne, de honte, de rien à se dire. Un silence de bout de table, de fin du jour, un silence d'après nuit, un silence de regard baissé. »

Comme le dit Sorj Chalandon dans une présentation publique de son livre, Quelle enfance merveilleuse cela aurait été, s'il n'y avait pas eu la violence...

« La prison, c'était trois murs de trop. »
Lien : http://page39.eklablog.com/p..
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