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Critique de Nastasia-B


Les Tâches Du Léopard est selon moi l’un des tout meilleurs contes étiologiques de Rudyard Kipling avec L’Enfant D’Éléphant et, probablement, l’un des tout meilleurs jamais imaginés. Avec sa façon de vieux roublard baroudeur des tropiques, Kipling sait trouver le ton à la fois loufoque, drôle et pourtant pas totalement dénué d’un certain lien avec la réalité qui fait que les enfants accrochent tout de suite.

Contrairement à ce que peut suggérer le titre, ce conte ne nous parle pas exclusivement que de léopard ; il y est aussi question d’homme, de koudou, de girafe ou de zèbre. C’est ce qui pour moi donne un grand surcroît d’intérêt à l’ouvrage car il aborde aussi bien les taches du léopard, les rayures du zèbre, les marques réticulées ou étoilées de la girafe que la couleur brun sombre de la peau de l’Éthiopien sous l’angle de l’adaptation au milieu, ce qui, d’un point de vue biologique, est rigoureusement vrai.

Bien évidemment, comme à chaque fois, l’auteur concocte une histoire tarabiscotée qui volontairement s’éloigne de toute forme de véracité, mais l’essentiel est néanmoins là : l’homme, comme tous les autres animaux, a dû s’adapter à son environnement pour survivre. Les enfants posent alors forcément des questions : « Est-ce bien vrai que les premiers Éthiopiens n’étaient pas noirs ? »

C’est alors l’occasion pour l’adulte de parler de toute la diversité humaine, de gommer cette image d’Épinal qui nous laisse supposer que toute l’Afrique sub-saharienne est entièrement et a toujours été de type bantou. Rien n’est plus faux car le teint clair des Bochimans ou des Khoïkhoï (dont la peau magnifique arbore parfois une belle couleur grise) en atteste. Il en va de même pour les Pygmées d’Afrique centrale dont le couleur de peau est assez significativement différente de celle des peuples originaires d’Afrique de l’Ouest qui vivent pourtant à proximité.

On peut de même introduire la grande diversité de pigmentation de la peau chez les peuples amérindiens dont on sait de façon absolue qu’ils sont tous issus d’un même foyer de peuplement provenant du nord-est asiatique et dont la peau était initialement assez claire. On pourrait de la sorte multiplier les exemples avec le sud-est asiatique, la Polynésie et la Mélanésie. Mais le meilleur exemple demeure sans doute celui de la comparaison entre les Papous, dont la couleur de peau rappelle étrangement celle des Pygmées, eux qui vivent dans un milieu très similaire, et ceci à mettre en relation avec les Aborigènes australiens, extraordinairement sombres et pourtant très proches génétiquement des Papous mais qui vivent dans un milieu incomparablement plus irradié par le soleil que ces derniers, un peu comme les Kényans ou les Éthiopiens. Tiens, tiens, nous y voilà avec notre Éthiopien…

En somme, l’homme est un animal comme un autre, qui s’adapte à son milieu, ni plus ni moins qu’un autre, tout comme le léopard, le zèbre ou la girafe. Une véritable leçon d’humanité à l’usage des petits d’homme, surtout à l’époque de son écriture, époque malencontreuse où l’on avait un peu trop tendance à considérer que la blancheur de la peau était l’évolution suprême de l’espèce humaine, fait qu’à la lumière de ce conte comme d’éléments plus scientifiques et plus récents, il convient d’interpréter non pas comme un plus, mais comme une perte d’adaptation acquise il y a des lustres par nos lointains ancêtres. Le jour de votre prochain coup de soleil, vous vous en souviendrez…

Bref, vous vous en sortirez à bon conte, car dans cette édition il est très bien rafraîchit et actualisé. De plus, ses illustrations font mouche sans faire moche. On aurait donc tort de s’en priver mais ce n’est là que l’avis d’une tache, c’est-à-dire pas grand-chose en terrain découvert.
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