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Critique de Denis3


La gloire du pionnier, c'est de forcer une voie.
Sa tristesse, c'est de poser des questions auxquelles d'autres
devront répondre.

Australien, David Chalmers commença par étudier les mathématiques, avant de noter une curieuse fascination pour la question des origines de la conscience. Après un premier diplôme en maths, il se réorienta vers la philosophie à Oxford, reçut même à cet effet une bourse de la prestigieuse fondation Rhodes, mais n'y trouva pas son terroir intellectuel. Finalement, c'est à une université américaine qu'il écrit et défend sa thèse de doctorat sous Douglas Hofstadter en 1993. le présent ouvrage est une version revue et complétée de cette thèse, publiée en 1996.

L'objectif premier de David est de défendre l'existence de la conscience, qui peut se décrire comme le vécu subjectif, l'expérience d'un “moi” et de son interaction avec le monde extérieur. Une chose tout à fait élémentaire pour vous et pour moi, mais une illusion selon les courants majoritaires en neurologie et même en psychiatrie ou en psychologie. Pour eux, seules existent des fonctions cognitives, produites par un appareillage neurologique. Un peu comme votre montre calcule l'heure ou une calculette effectue une opération. Mais il n'y a personne à l'intérieur de la machine. C'est un peu comme si nous étions des robots biologiques. Strictement parlant, le patient d'un neurologue ou d'un psychiatre est un système présentant des dysfonctionnements, système qu'il s'agit de ramener à un fonctionnement plus normal : la calculette produit des résultats erronés, il faut la réparer. Il va sans dire que les neurologues ou psychiatres cliniciens ont, la plupart du temps, une attitude nettement plus humaine envers leurs patients, mais ceci n'a rien à voir avec leur baggage scientifique, et tout à voir avec leur empathie qui est … une des fonctions des systèmes physiques qu'ils “sont”, eux aussi. Les robots réparent des robots.

Chalmers veut donc établir l'existence de la conscience, définie en ce sens, comme une réalité, et en faire un sujet légitime de recherches. Ce qui en 1993 était un programme extrêmement audacieux, surtout pour un jeune doctorant, car radicalement opposé au consensus philosophique et scientifique de son temps. Est-ce pour cela qu'il a quitté Oxford ? En tous cas, ce projet occupe la première moitié du livre, où Chalmers se bat se débat et se contorsionne pour libérer un espace où pourrait exister cette conscience, entre matière et esprit, entre science ( des années 1990) et religion, entre réductionnisme et holisme, …. Dans la seconde partie, il lui reste à tenter de définir, dans la mesure du possible, les relations entre cette “conscience” et la matière, à discuter du caractère légiféré ou non de la conscience et donc de son aptitude à faire l'objet d'une étude scientifique, a méditer quant au genre de “lois” auxquelles elle pourrait obéir et à la base matérielle dont elle pourrait jaillir. C'est ainsi qu'il se demande si seule une entité biologique pourrait être consciente, ce qui le mène à des considérations que j'ai trouvé très amusantes ( j'en suis à me demander si mon téléphone…??).

Une lecture ardue, vraiment très exigeante, non par l'usage de jargon technique ou par une syntaxe alambiquée, mais par cette structure arborescente où des raisonnements se déploient sur des dizaines de pages d'arguments, d'exemples, de contre-exemples, de discussions. Il ne s'agit certainement pas d'un ouvrage de vulgarisation mais d'une thèse qui a ouvert une voie à d'autres chercheurs tant en philosophie qu'en sciences cognitives. C'est à la fondation d'une école, d'un nouveau courant de recherche que nous assistons. Puisse-t-il être fructueux.




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