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Critique de colimasson


Le problème concernant la conscience pourrait être très vite résolu si les mecs surpayés pour ne rien branler ne craignaient pas de voir leur gagne-pain disparaître avec l'effondrement du problème. La conscience, c'est ce qui fait que certains désoeuvrés se posent la question de son existence. La conscience, c'est ce qui fait que malgré son existence intuitivement éprouvée, on continue à se poser des questions à son sujet, tout ça parce qu'on aimerait la faire entrer dans les catégories momentanées de notre connaissance. La conscience, c'est avoir oublié que les interrogations ne surviennent que sous la forme du jeu et que l'amusement suprême consiste à les poursuivre avec le plus de légèreté possible. Or, ici, c'est la lourdeur qui s'impose.


La question de la conscience m'aurait sans doute parue excitante lorsque j'avais dix ans. C'était l'époque où je m'aimais pas trop. Rien ne m'y encourageait. Je réglai le problème plus tard avec une crise d'adolescence carabinée. A cette époque, j'aurais préféré être n'importe qui d'autre que moi. Donc, étudiant la face satisfaite de mes congénères, je regrettais d'avoir reçu ma subjectivité plutôt que celle de n'importe qui d'autre (environ). Les gamins d'aujourd'hui peuvent contourner cette question en se concentrant sur la gestion de leur compte facebook mais, à mon époque, cela n'existait pas encore, et j'étais trop jeune pour être absorbée par des problèmes de gestion administrative ou de ménage. Donc, je passais beaucoup de temps à ne rien foutre, à regarder la rue depuis ma fenêtre, et forcément ça engrangeait la fonction de la pensée (mais ce n'était absolument pas le but recherché). Fixant les pixels de béton en-dessous de moi (ma fenêtre était au premier étage), ma fameuse conscience justement s'emballait, hallucinant la figure des gens que j'enviais (aujourd'hui, ça me fait bien rire, surtout lorsque je vois dans quelle merde ils se sont engouffrés), essayant de se figurer ce que cela pouvait faire d'être plusieurs subjectivités à la fois, toutes en même temps, et se demandant pourquoi la mienne plutôt qu'une autre ? C'était une conception éminemment religieuse dans le sens où je croyais qu'il y avait une raison.


De même, Chalmers et tous les autres gars qui réfléchissent à la conscience sont des croyants laïcs. Après tout, on ne se poserait pas la question de la conscience si on n'espérait pas trouver une petite récompense au bout. Chalmers précise bien qu'il s'agit de prendre la question de la conscience au sérieux. Pas dans sa version fonctionnelle (comment le bleu résulte-t-il du traitement informationnel d'une longueur d'onde par une zone de mon cerveau ?) mais dans sa version finaliste (pourquoi ce traitement est-il accompagné de la sensation de percevoir du bleu ?). Et quand on commence à se poser la question du pourquoi, ça devient vite sans fin.


Ce livre pâtit de deux inconvénients majeurs :
- Il est illisible. L'auteur nous précise que les lecteurs philosophes du dimanche pourront contourner les chapitres indiqués par des astérisques mais cela revient à éluder la moitié du livre, sans compter tous les chapitres auxquels nous accolerons nos propres astérisques, bien que Chalmers les ait considérés faciles d'accès.
- Il décrit la problématique du hard problem of consciousness d'un point de vue subjectif, militant comme un porte-parole communiste. Parce que le Sphinx peut un jour vous demander quelles sont les opinions de Chalmers, voici la bonne réponse à fournir : il nie le matérialisme et impose un dualisme naturaliste qui s'imagine dépasser le dualisme des substances (corps/esprit) pour accéder au dualisme des propriétés (physique/phénoménale). En gros, le fait que la conscience ne survienne pas logiquement sur les faits physiques montre que ce qui décrit les faits physiques ne décrit pas tout.


L'argumentation est si indigeste à assimiler qu'il se peut fort bien que Chalmers nous entube quelque part. Moi, ça ne me dérange pas qu'on se foute de ma gueule, mais qu'on ne nous emmerde pas sur cinq cent pages avec un ton sérieux entre-temps. Par exemple, lorsque je lis que la notion de vérité conceptuelle issue de Quine entraîne un scepticisme général mais que Chalmers préfère éviter de creuser le sujet parce que « nous avons vu que cela ne conduit qu'à embrouiller les choses », je ne comprends pas pourquoi il ne pose pas aussitôt sa conscience embrouillée pour aller se faire cuire un oeuf. Si on joue le rôle du mec honnête et intègre avec la vérité, on s'intéresse à toutes les questions, même et surtout celles qui nous posent le plus de problèmes.


Faut bien se l'avouer : tous ces mecs philosophes, logiciens, biologistes et autres conneries tournent autour du pot. Ils cherchent à établir une vérité scientifique qui sera plus belle et plus puissante que n'importe quelle conviction religieuse mais ils n'osent pas le reconnaître. Ils jouent la sérénade au sens de la vie mais comme ils restent toujours puceaux, ils abusent sans cesse davantage de leurs bons mots en croyant qu'ils en seront récompensés. le sens de la vie, cependant, n'aime peut-être pas les emmerdeurs.
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