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Critique de Joualvert


Je pense que ce livre souffre principalement de la présentation qu'on lui fait. On le présente comme ce qu'il aurait pu devenir si l'auteur avait travaillé et élaboré son mythe du Roi en jaune. On capitalise sur le fait que c'est la première édition française complète conforme à l'original, ce qui est vrai, mais voilà : l'original est une collection des premières nouvelles hétéroclites de l'auteur. En terme de cohésion entre les nouvelles, cela ressemble plus à une exploration qu'à quelque chose de vraiment abouti, des variations sur quelques thèmes + une ou deux créations isolées. On peut trouver des liens ténus entre 2 nouvelles les plus dissemblables, mais que ceci soit voulu ou non de la part de l'auteur importe peu, cela s'explique aisément par le fait que tout ce contenu sort de la même tête à la même époque. Quand on accepte ce livre pour ce qu'il est, ce qui serait facilité par une présentation adéquate, on est en position d'apprécier ses mérites qui sont grands et prendre sereinement connaissance du reste.

Les 4 premières nouvelles sont celles qui ont vraiment rapport au titre. C'est pour celles-ci que le nom de Robert W. Chambers est reconnu encore aujourd'hui pour sa contribution significative à la littérature fantastique et d'épouvante. Ce sont elles qui ont inspiré Lovecraft. La majeure partie du reste de sa prolifique bibliographie (une centaine de romans), auquel on pourrait adjoindre certaines des autres nouvelles du présent recueil, est d'une autre nature, jamais traduite (avant 2009 pour la partie inédite du ''Roi en jaune'') et plutôt oubliée dans sa langue d'origine.

Ces 4 nouvelles, prises séparément, sont d'excellentes histoires de fantastique/épouvante. Prises ensemble, l'espèce de mythologie vague du roi en jaune qui les relie et y est développée par de sombres allusions en fait quelque chose de plus. L'accent est mis sur l'atmosphère oppressante, l'étrangeté, l'ambiguïté ; l'horreur qui pèse sur le monde est suggérée plutôt qu'énoncée. Il y a aussi cet artefact fascinant, ce livre qui fait basculer dans la folie. le résultat est excellent, mais il est difficile de ne pas voir ceci comme une ébauche seulement, avec tout le potentiel que cette démarche promettait. Mais l'innovation a été remarquée, il a montré la voie que d'autres ont suivie après lui.

La première nouvelle, ''Le réparateur de réputations'', est à mon sens la plus puissante. J'ai été d'abord étonné par le côté anticipation. L'action se passe en 1920 alors que le livre a été écrit en 1895. On décrit certains évènements qui se sont produits dans le monde. On a tout l'air d'assister à l'avènement d'un âge d'or pour l'Amérique, mais l'allégresse n'y est pas. Quelque chose semble clocher. Il y a ce livre maudit qui circule. Puis, ce décor placé, les éléments du récit s'enchaînent les uns après les autres dans une gradation époustouflante. Véritablement un petit chef d'oeuvre.

Pour les autres nouvelles que contient le recueil, il y a d'abord une histoire fantastique dans l'esprit des légendes bretonnes. Ensuite une curieuse collection de textes courts étranges qui contiennent des jeux de symétrie et des boucles. Finalement 4 nouvelles où on partage la vie d'étudiants américains étudiant la peinture à Paris, où l'auteur s'inspire de son propre vécu. L'une d'elle est doublée d'un côté historique, car on assiste au siège de Paris par les Prussiens. J'ai particulièrement aimé la dernière partie de ''Rue Barrée'', où un étudiant en état d'ébriété avancé retourne chez lui, ainsi que la fin de cette nouvelle. Bizarrement, j'ai trouvé que les fins inattendues des 3 dernières nouvelles véhiculaient un certain message d'espoir et de tolérance.
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