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Critique de fanfanouche24


Une belle découverte [ ***pour ma 600 ème critique !] que cette auteure marocaine, dont j'ai acquis le premier roman, à sa parution, en 1999. Je ressens quelque honte à avoir tant tardé avant d'aller le rechercher sur mes rayonnages . ..Je l'avais débuté il y a un moment, et un autre ouvrage a dû accaparer mon attention, et je l'avais à nouveau mis en attente !!

Cette fois, je me suis "houspillée" de la plus belle manière pour enfin faire
connaissance avec cette dame de la littérature marocaine. Auteure mais aussi anthropologue, qui s'est beaucoup intéressée à la condition des femmes dans son pays...

Un style très poétique, des phrases qui se déploient d'autant plus lorsqu'elles évoquent les senteurs et les couleurs du Maroc de son enfance...mais aussi de ce Maroc ancestral dans la vie intime des femmes marocaines, l'omniprésence des croyances, des contes, des légendes que les grand-mères, mères transmettent à leurs petites filles et leurs
filles...

Une jeune femme, la narratrice, Khadija, 35 ans, architecte, après un divorce douloureux, n'a comme choix que de réintégrer le toit paternel , avec ses trois filles.
Même si Khadija a réussi socialement, comme architecte, l'échec de son mariage est vécu comme un échec lancinant et violent. Cette douleur personnelle est d'autant plus ravivée qu'au moment où elle revient dans la maison de son père, toute la famille prépare la cérémonie du mariage de l'un de ses frères...

"Et alors, pourquoi faudrait-il une maison pour une enfance, toujours la même, vers laquelle on reviendrait inévitablement, la maison de son père, tellement belle qu'on finirait par y échouer comme une barque à la dérive ? Ou alors faudrait-il toute sa vie s'acharner à bâtir une maison presque semblable, toujours dans l'ombre de la première..."(p.18)

Heureusement, elle y retrouve sa complice de toujours, sa cousine, Malika, avec qui elle peut parler et évoquer leur enfance commune, leurs souvenirs, leur éducation, leurs joies et chagrins de petites filles. Et elles, elles sont relativement privilégiées... elles n'ont pas eu à travailler , enfants, comme domestiques, ce qui était courant pour les petits enfants des classes trop pauvres !!

Un beau portrait d'une tante : Aïcha, adorée de ses deux nièces. Une personne belle et joyeuse, mais qui tombera malade, sera amputée partiellement de sa féminité...
Autre "maladie" (ou considérée comme telle) non exprimée: son célibat, sa vie auprès de ses parents , à s'occuper de ses neveux et nièces, frères et soeurs... sans s'être mariée, elle-même , ni avoir enfanté...
Même si elle est adorée , aimée par son talent à s'occuper de la maisonnée,
à raconter des contes, des légendes, à égayer toutes et tous, elle reste une femme qui n'a pas vécu sa destinée de "Femme , épouse et mère" comme il se doit !

Un roman attachant qui à la fois dit la beauté d'une enfance remplie de couleurs, et d'odeurs... mais aussi la pression des traditions, des usages qui soumettent, réduisent et limitent les droits ainsi que les choix des femmes. Tout cela est écrit avec élégance, poésie, fermeté, sans acrimonie, ni aigreur...

Juste quelques lignes de révolte contre les petites filles de familles pauvres,
issues le plus souvent des campagnes... défavorisées , avec des progénitures trop nombreuses, exploitées dans des familles de la ville, plus aisées !
"Un monde ancien, policé et violent, où de petites servantes dorment en boule sur des matelas de fortune, posés à même le sol, dans un recoin de la cuisine qui sent encore la coriandre et les amandes " (p. 60)

Je vais acquérir son deuxième ouvrage traduit, pour poursuivre la connaissance de cette auteure, qui m'a immensément touchée, par son
style et l'amour très contrasté mais authentique pour son pays... roman qui, je me rends compte, vient de paraître chez Actes Sud (toujours), en mars 2017 , intitulé "Mourir est un enchantement"...
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