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Critique de coco4649


 
 
Cet ouvrage comprend cinq
moments de poésie :
. le sol et l'envol,
. Ce qui nous appelle,
. Dans l'évidence,
. Entre nous l'espace,
. L'exclamation et le suspens.

Pour Judith Chavanne le temps — bleu —
ne dure qu'une halte d'oiseau.

Elle habite un pays où les arbres entrent en
dialogue dans un froissement de feuillage.

Elle insiste sur ce pays, où les oiseaux, autrefois
messagers, se posent et nous adressent cette
authentique page de silence.

L'auteure nous décrit la décoration de l'espace
avec une simple branche, « un peu nue comme
la solitude ».

Judith Chavanne reste humble et lucide
devant la l'énigme de la fleur si fragile,
qu'elle suffit à décourager nos mots et
nos airs d'importance.

Enfin l'auteure poursuit l'évocation
du désir, du pur désir qui « jubile
d'être vivant », et le galop des flocons
de neige, ces hérauts de pure blancheur.


Ainsi ces quelques extraits :

" Ce qui nous appelle
À Clémence
L'enfant s'émerveille d'un oiseau, elle appelle,
qu'on partage avec elle cet émoi.
Elle se tient debout devant
la fenêtre : l'aile est si belle, ce bleu
que l'oiseau ne porte pas ailleurs sur son corps.

Et l'on vient en effet, on se tient
debout aussi, à côté ; ce qui a lieu
alors entre nous, on n'a plus l'ardeur
d'en tirer une sorte de foi.

Mais on sait cela : on est deux,
unies devant l'arbre à la faveur
et à l'intérieur même du bleu,
le temps que dure une halte d'oiseau.
p.23


" Ce qui nous appelle
Feuille à feuille, on entend le vent ; il dénoue l'arbre
depuis un silence de bois,
le tronc imperturbable comme l'homme qui se renfrogne,
l'enfant obstinément se tait,
qui veulent se faire une force
du refus.

Passe la première brise,
on dirait qu'elle secoue les feuilles
des chants d'oiseaux goûteux comme des fruits.
L'arbre entre en dialogue, se multiplie.
p.24


" Ce qui nous appelle
Il nous est venu un oiseau,
gorge blanche, menu corps,
un passereau muet qui s'est posé
à hauteur de regard et de reconnaissance
derrière le carreau ;
comme il nous aurait adressé
dans l'enveloppe une page de silence,
comme on aimerait soi-même songeant
à ceux qu'étreint un noir chagrin
confier aux oiseaux autrefois messagers
le soin de dire sans dire,
sur la pierre en hauteur se posant simplement,
comme un soupir : douceur !
p.29


" Ce qui nous appelle
Pourtant , il y a la douceur ;

la façon comme un sourire en avril
que le prunus et le cerisier ont d'éclore ;

à des carrefours, la marche suspendue
le temps qu'on hésite, et le corps
qui prend avec grâce une pause inconnue ;

le rythme plus lent sur lequel se prononce
une amie, comme pour nous laisser le temps
de nous installer dans une parole partagée ;

et cette place qu'on s'accorde aussi
en aimant en secret, destinant des pensées
que l'on sait pouvoir être reçues.

Il ne suffit pas que l'âme soit effleurée ;
mais on peut sans doute aller sans frémir,
avec l'air, la voix, les corps, l'absence même
et la nature inventive pour alliés.
p.33


" Dans l'évidence
Elle aimait dès qu'il était temps
placer dans un vase une branche de prunus,
arbre de premier printemps
aux fleurs légères, dispersées ;
elle disposait une branche un peu nue
comme la solitude.

Elle posait le vase haut et long
sur la table désencombrée du salon.

L'espace alors prenait une autre dimension
et, se tournant vers la branche, on se souvenait
d'une intériorité, de la résonance,
d'une ferveur en nous tremblante
qui cherchait à frayer sa croissance,
malgré l'étouffement des jours à chanter ;

même en silence, à vibrer de toute sa précarité.
p.39


" Dans l'évidence
Fleur, à laquelle je reviens comme à une énigme,
même la moins parée,
fleur de talus le long des routes et des voies ferrées
ou des champs : coquelicot, camomille
et celle, si bien nommée
que l'on dit compagnon rouge ou blanc,
plus vive dans l'herbe que tous les désenchantements.
Insolente, légère, si elle est fragile,
que dire ? ni Dieu, ni sens,
qui décourage nos mots, nos airs d'importance.
Taisons-nous, il suffit
si devant elle le coeur sourit, s'il se fond
à la couleur — nous aimons.
p.40


" Dans l'évidence
L'enfant a désiré qu'on la regarde
tracer son étoile sur le papier.

On en avait accompli pourtant des travaux
et vécu des journées ; fallait-il
ce dépouillement d'un matin de novembre
pour comprendre dans la clarté ce qui s'accomplissait ?

La lumière, si elle pouvait, se sentirait croître
dans l'herbe, le bouleau, ou le rosier.

On a su soi-même qu'une vie pouvait
trouver sa paix dans cette simple demande,
pour avoir, à l'appel de l'enfant,
soutenu la naissance tremblante d'un trait.
p.41


" Dans l'évidence
Un geste du temps passant,
une main de lumière
au front des sapins assombris
que battaient le vent, la pluie ;

alors les jardins mouillés s'illuminent
pour rien, que l'instant,

et le désir, le pur désir
par la lumière éveillé qui jubile
d'être lui, vivant.
p.46


" Entre nous l'espace
Il suffit parfois d'une main qui échappe,
elle touche, incidemment, la peau ;
un corps naît où il y avait une absence,
un corps, un saisissement.

Ce premier effleurement,
ce n'est pas toujours le prélude à une danse
mais nous sommes sous les doigts
vivants comme un envol frémissant d'oiseaux.
p.55


" L'exclamation et le suspens
Peut-être la neige. Comme si
on avait pu entendre, venu de très loin, très haut
le galop des flocons avant d'en apercevoir
une image…
On y croyait ; elle ne tombait pas,
mais on se serrait dans le manteau de son imminence,
et le sapin était noir, plus qu'aucun jour.
Ainsi vêtu, de la nuance de nuit dont sa robe
s'approfondissait,
il était le héraut véritable
de la pure blancheur.
p.67
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