AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dossier-de-l-Art


Qui n'a déjà vu ou lu, même sans y regarder de près, un texte du critique
Waldemar-George ? Son nom apparaît dans moult catalogues de galeries parisiennes, des années 1920 jusqu'à sa mort, survenue en 1970. Il écrivit dans un nombre incalculable de revues, fut un infatigable organisateur d'expositions, un découvreur de talents et un pourfendeur de mouvements picturaux. Mais dans le foisonnement même de ces textes, la figure de Waldemar-George reste évanescente et ses prises de position, difficiles à déchiffrer. C'est pourquoi ce livre vient à point nommé. Né en 1893, à Lodz, en Pologne, Jerzy Waldemar Jarocinski, le futur Waldemar-George arrive à Paris en 1911, protégé par un oncle critique littéraire. À l'issue du premier conflit mondial, où il est engagé volontaire, il obtient la nationalité française et débute sa carrière. Pacifiste, il épouse pour un temps le socialisme et appelle de ses voeux la « révolution » artistique. Mais très vite, ses goûts le portent à défendre avec ardeur les peintres qui conservent une forme de figuration, comme Robert Delaunay et Roger de la Fresnaye ; ou encore les sculpteurs qui cherchent « l'âme » sous-jacente à la forme, tel Lipchitz. Dans les années 1920, il choisit Braque au moment où il abandonne le cubisme et préfère dans Picasso ce qui le relie alors à Ingres et aux maîtres du passé. On pourrait évidemment dire que le critique fut un des tenants du « retour à l'ordre », qu'il préférait une « modernité tempérée ». Mais il soutint aussi Fernand Léger, Jean Crotti, et organisa en 1924 la première exposition de Chagall, après son départ définitif de Russie. Waldemar-George contribua certainement à forger ce que l'on nomme le « néo-humanisme », courant qui préconisait l'alliance de la modernité plastique (cubisme, fauvisme, surréalisme) avec la tradition humaniste. Cela le conduisit à se rapprocher du fascisme italien, au nom du « pathos latin » et de « l'historicité » de la culture antique, qui garantissait pour lui une continuité formelle de l'art. La guerre et les lois du régime de Vichy furent une rupture brutale : Waldemar-George était juif et dut se cacher dans le Midi de la France jusqu'en 1944. Ces années noires ne l'empêchèrent pas d'entreprendre une seconde carrière de critique dans les années 1950, à peine plus mesurée que la première, durant laquelle il se fit le chantre du mouvement Cobra et de la figuration « déformante » des peintres Asger Jorn et Édouard Pignon. Fondé sur une riche documentation, issue des archives du jeune Institut Mémoires de l'édition contemporaine, le livre est constitué de cinq chapitres centrés chacun sur un thème ou une période. Tel un kaléidoscope mouvant, ils découvrent les contradictions de ce personnage paradoxal, qui sont aussi celles de la France de l'entre-deux-guerres et, dans une certaine mesure, celles de l'art des années 1940 et 1950. Peu d'illustrations émaillent le volume ; mais cela est largement compensé par une anthologie de quarante textes de Waldemar-George, dont la plume impérieuse et exaltée est un régal.
Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 527, octobre 2016
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}